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dimanche 20 janvier 2013

Une question de mariage...


... à partir de l’Evangile selon Saint Jean2,1-11
Nous sortons à peine de la joie de Noël, « joie de la naissance » et déjà la liturgie de ce deuxième dimanche du Temps Ordinaire nous invite à entrer dans une autre joie : la joie des Noces. Or de Noces, de mariage, il en est beaucoup question dans l’actualité de cette dernière semaine : cf. le projet de Loi du « mariage pour tous » et la manifestation des opposants à ce projet dimanche dernier.
Sans entrer dans la polémique des chiffres qui montre un réel aveuglement idéologique de certains de nos dirigeants, l’importante mobilisation pour cette manifestation montre que quelque chose se passe dans notre pays. Ce qui me réjouit c’est de voir  – comme le souligne JM Onfray cf. blog 12/01 – « autant de chrétiens affirmer l’importance du mariage civil (alors que souvent, nous avions à le justifier en particulier auprès des familles plus « traditionnelles »…) » et de voir « la confiance exprimée dans le PACS (qu’on voudrait même améliorer !)…On se souvient des réactions en 1999 !) ». Je me réjouis aussi d’entendre autant de chrétiens s’exprimer contre l’homophobie et dire que l’homosexualité est à respecter comme manière de vivre sa sexualité (les personnes homosexuelles sont d’ailleurs les mieux placées pour dire que cela est difficile et douloureux tant à cause du regard qu'elles portent sur elles que du regard des autres !).
A l'occasion du tournant historique que nous vivons dans notre société, je vois à la fois un risque et une chance.
- le risque c’est de réveiller les vieux démons de 1789 et 1905 de notre société française (heureusement les manifestants de dimanche contre le projet de loi étaient pacifiés et ne sont pas tombés dans le " piège" de mettre en avant leur « appartenance religieuse »; mais prenons garde aux dérives politiques de certains groupes intégristes comme Civitas – probablement nostalgique de l’époque de « l’Action Française » condamnée par Pie XI lui-même en 1926 !).
- la chance – si le dialogue s’instaure entre les promoteurs et les opposants au texte de loi - c’est celle d’une réforme souhaitée de part et d'autre. Du côté des opposants, nous ne pouvons pas nous contenter de penser le mariage comme une institution « éternelle » - c'est-à-dire hors-du-temps : le mariage ou « la famille de toujours » n’existe pas cf. les historiens ;  il n’y a pas une « famille idéale » mais des « familles » avec des parcours parfois chaotiques (cf. blog 12/01 citation de Monique Baujard). Il n'y a d'ailleurs qu'à relire le premier livre de la bible (Genèse) pour se rendre compte de la complexité des liens familiaux. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de vouloir répéter des modèles familiaux d’autrefois au moment où nous vivons un tournant de civilisation.
L’"hypermodernité" vient remettre en cause radicalement nos institutions. C’est une occasion  unique de nous réinterroger sur les fondements de notre vie humaine et de ce que nous voulons vivre ensemble sur le plan social. Voilà pourquoi cette perspective de réforme est bonne, à partir du moment où nous ne nous enfermons pas dans l’ornière des idéologies du passé (aussi bien l’« idéologie du progrès » qui a conduit aux drames du XXème s., que toute forme d'idéologies passéistes).
Comme au temps des grands philosophes grecs (IVème s. av JC), ou plus récemment au  XVIème siècle (entrée dans l’ère de la modernité), nous sommes donc réinterrogés aujourd’hui dans nos fondements ! Or au cours des siècles, les chrétiens, inspirés par l’Esprit-Saint, ont toujours su inventer des formes nouvelles en revenant à leur fondement, leur source : l’Evangile !
Revenons en donc à l’Evangile ! Je vous le disais, il nous parle de « Noces ».
En quoi cet Évangile a-t-il quelque chose à nous dire hommes du XXIème s. ? En quoi est-il une Bonne Nouvelle quand il nous parle de « mariage ». Je vois trois pistes qui peuvent éclairer notre débat et notre réflexion.
1. le premier enseignement de cet Evangile des Noces de Cana c’est que le MARIAGE entre une homme et une femme est BON (et même « très bon » cf. Gn 1 « Au commencement Dieu créa l’homme et la femme …») ! Voilà pourquoi il commence par une  fête ! Or cette fête a manqué d’être ratée. Il y a dans la vision de toutes ces coupes vides, quelque chose de creux qui appelait un plein. Et Marie savait que Jésus pouvait y faire quelque chose. Marie savait que c’est une chance pour Jésus à ne pas laisser passer. C’est une chance parce que c’est toujours très beau de commencer par une fête !  « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana en Galilée… »

2. le deuxième enseignement c’est que « rien n’est impossible à Dieu ». Nous savons combien l’alliance entre un homme et une femme est fragile, et tout foyer est d’autant plus fragilisé aujourd’hui au cause de l’ultralibéralisme qui risque toujours d’enfermer l’individu dans sa seule subjectivité de l’ego le coupant des autres (chacun, influencé par le diktat de l’idéologie « égalitariste » revendique des droits pour tout, tout en mettant sous silence ses devoirs envers autrui – mais ce partie pris conduit nécessairement à l’atomisation de notre société avec toutes ses conséquences…). Nous savons que les situations vécues par les divorcés / remariés, les familles recomposées sont souvent difficiles à vivre ; bon nombre de familles monoparentales vivent dans une certaine précarité affective quand ce n'est pas matérielle. La Bonne Nouvelle de cet Évangile de Cana, c’est que le Seigneur notre Dieu n’est pas indifférent à nos détresses, aux difficultés à vivre l’alliance, le mariage. Et c’est pourquoi il se décide à intervenir pour SAUVER la situation de ce mariage qui tourne à l’échec. « Rien n’est impossible à Dieu ». Des situations difficiles, le Seigneur peut retourner la situation. Au cœur même de situations « crucifiantes », la lumière de l’Espérance peut illuminer une vie. « Rien n’est impossible à Dieu » ce n’est une formule incantatoire qui serait vide de sens. « Rien n’est impossible à Dieu » : Sur quoi pouvons nous nous appuyer pour dire cela ?
En nous appuyant sur notre foi dans le Mystère de Pâques. Car le croyant qui a l’oreille avisé peut entendre dernière ce récit de Noces de Cana, celui de la mort et de la résurrection de Jésus. Le signe de Cana est le premier signe de sept (dans l’Evangile selon Saint Jean, chap. 1-12). Sept signes annonçant déjà le Signe par excellence : le sommet de la Révélation en Saint Jean : « la croix et la résurrection du Christ ». A la croix (« l’heure ») : Marie et Jean seront aussi présents et les témoins privilégiés des « Noces de l’Agneau ». Ces épousailles seront sanglantes : à la croix, l’alliance nouvelle est scellée quand le Christ se donne pour son Eglise (Ep 5,25). De même au tombeau vide, Jean « vit et il cru » // « Il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui » (Jn 2, 11). 
Au-delà de toutes formes institutionnelles, le sacrement de mariage chrétien n’a pas d’autre sens que de manifester « la vie de Dieu livrée entre nos mains » dans le don que Jésus le Christ fait de lui-même (« Ceci est mon corps livré pour vous ; mon sang versée pour la multitude »). 
En cela Saint Paul dira du mariage, « ce mystère est grand » (« Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l'église » dans la lettre aux Ephésiens 5, 32 ; cf. aussi Jean-Paul II en 1994, Lettre aux familles §19)

3. le troisième enseignement de Jésus dans cet Évangile, c’est que l’Eglise – qui est l’Epouse du Christ (Eph.) - est la joie de Dieu. Toutes les faiblesses, misères et chutes de l’Eglise trop humaine n’y changent rien. Le Seigneur l’aime pas seulement comme un Père mais aussi comme une épouse. Et cette épouse, c’est nous ! N’avons-nous pas, trop souvent, des rapports "institutionnels" avec Dieu, alors qu’il attend, lui, l’attachement du cœur ? Quand prendrons-nous vraiment conscience d’être aimés de Dieu, d’être ses préférés, sa « couronne » et son « diadème » (pour reprendre les mots d’Isaïe 62, 1-5) !
En participant aux « Noces de l’Agneau » lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous recevons l’Epoux qui se donne à nous. Réjouissons-nous de cette invitation à la fête qu’est la vie d'Alliance avec Dieu !                   
« Heureux les invités aux Noces de l’Agneau » (Ap 19,9) 

(Eglise Notre-Dame-la-Riche, Tours, 19-20 janvier 2013)

5 commentaires:

  1. Non croyant, j'admire sans limite cette analyse pertinente, fournie de nombreuses références évangéliques, pour le moins de références historiques pour le regard athée qui est le mien. Celle ci nous permet de nous rappeler les fondements de notre humanité et avant d'être une parole Chrétienne, il s'agit bien là d'une parole UNIVERSELLE.
    Merci Jean Emmanuel.

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  2. A lire pour ouvrir le débat
    http://www.eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/textes-et-declarations/elargir-le-mariage-aux-personnes-de-meme-sexe-ouvrons-le-debat-note-du-conseil-famille-et-societe-14982.html

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  3. contribution du Grand Rabbin de France G. Bernheim à lire pour comprendre les enjeux du débat à propos du projet de loi "mariage pour tous"
    http://www.grandrabbindefrance.com/mariage-homosexuel-homoparentalit%C3%A9-et-adoption-ce-que-l%E2%80%99-oublie-souvent-de-dire-essai-de-gilles-bern

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  4. Bonjour. Merci de cette homélie. Il faut cependant bien prendre acte de votre démarche relativiste : "Je me réjouis aussi d’entendre autant de chrétiens ... dire que l’homosexualité est à respecter comme manière de vivre sa sexualité", et en tirer les conséquences.
    On ne saurait mieux contredire l'Enseignement du Christ : Le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme que les actes homosexuels sont « intrinsèquement désordonnés, contraires à la loi naturelle » (CEC 2357). Dans les Saintes Ecritures, l’homosexualité est considérée comme un « dépravation grave » (Gn 19, 1-29; Lv 20, 13 ; Rm 1,24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10). Comment, après cela, ajouter quelque crédit à un représentant du Christ qui dit de telles contre-vérités ? Dommage.
    Il faudrait, par ailleurs, connaitre un peu mieux l'Histoire religieuse : La condamnation de l'Action française a été levée par Pie XII en 1939...
    C'est d'autant plus désolant que votre analyse sociale polluée par l'ultralibéralisme et l'individualisme est excellente...

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  5. A nous de choisir quelle société nous voulons construire : http://www.referendum-officiel.fr/

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