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dimanche 6 juillet 2014

Le joug qui nous attelle au Vivant (Mt 9, 18-26)

« Prenez sur vous mon joug, nous dit Jésus, il est facile à porter. » Depuis que les attelages de bœufs ont été remplacés par les tracteurs, on ne voit plus de joug, cette pièce de bois posée sur le cou des animaux de trait pour les lier.
     Si l’on s’intéresse à l’étymologie, nous découvrons que la racine du mot joug signifie relier, unir ; on retrouve cette racine dans conjugal. Le joug fait tenir ensemble, met en alliance.

  Le joug peut peser sur nos épaules, mais quand on est deux, côte à côte, il répartit le poids et accroît la force. Il procure de l’aide et du réconfort. Il permet d’agir en tandem, de collaborer plus efficacement, de s’aimer de manière plus proche et plus forte.

Etre attaché au Christ qui nous conduit au Père
Pour les prêtres, l’étole initialement symbolise ce joug. Joug de la responsabilité de pasteur que nous choisissons de porter avec le Christ. Attaché à lui le Bon berger pour conduire son troupeau.
Pour reprendre une autre image (montagnarde) : être attelé à Jésus, c’est comme être encordé à lui dans une randonnée en haute-montagne. S’attacher au Christ ce n’est pas perdre sa liberté mais c’est pouvoir aller plus loin et plus haut avec celui qui est le premier de cordée, qui non seulement connaît le chemin mais qui est le chemin vers le Père : « Tout m'a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »

Après 10 ans de sacerdoce, c’est peut-être ainsi que je pourrais définir ma vocation de prêtre. C’est en étant profondément enraciné en lui, attaché à lui que nous pouvons, nous les prêtres, conduire à Jésus et Jésus vers le Père, dans ce cœur du Père où nous trouvons la PAIX.

Témoin de la consolation et de la tendresse du Père
Et à l’époque de la crise, des « burn out » et d’une société où « la fatigue d’être soi » est de plus en plus pesante pour chacun, il est bon d’entendre Jésus nous dire « venez à moi vous tous qui peinez sous poids du fardeau, et je vous procurerez le repos ». OUI ! Jésus appelle tous ceux qui peinent sous le poids des maladies, de la souffrance, des soucis ; ceux qui ploient sous le fardeau des échecs, des péchés, de la culpabilité ! Les blessés de la vie et de l’amour. Et Jésus veut nous procurer le repos en nous attachant à lui comme le naufragé à la bouée de sauvetage. Au milieu des tempêtes de la vie, le joug qui nous relie à Jésus nous rattache à la vie.

Nous les prêtres nous sommes les témoins de ce salut. En offrant, au nom de Jésus, le pardon, la nourriture du Pain de vie (Eucharistie), le sacrement des malades, nous sommes témoins de ce bon berger, témoins de la miséricorde de Dieu, doux et humble de coeur.

Le jour de mon ordination, il y a dix ans, Mgr Vingt-Trois m'avait dit ces mots très fort qui prennent sens aujourd'hui : "le ministère auquel nous sommes consacrés est d'abord un ministère de libération et de délivrance. Nous sommes envoyés pour être témoins de la miséricorde et de la tendresse de Dieu. Il nous console comme une mère console son enfant et nous investis de l'Esprit consolateur. Nous devons aussi devenir source et tendresse pour l'humanité souffrante".

Jésus, partenaire invisible de nos vies
Sur ce chemin de la vie chrétienne, nous sommes appelés à avancer dans la foi : c’est-à-dire à croire sans avoir vu. C’est aussi ce que suggère l’image du joug ; lorsque deux animaux de trait sont attelés ensemble, ils ne peuvent se regarder : leur yeux sont fixés sur l’objectif, sur l’horizon de la terre. Ils ne peuvent voir le « partenaire » avec qui il porte le poids du joug. C’est ce qui se passe parfois dans notre vie : il nous semble que le Seigneur est absent. Et pourtant il est là discret qui nous soutient dans nos épreuves. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits ».

En définitive le joug de Jésus, le joug qu’il portera jusque dans sa mort, c’est la croix. Aussi, en la prenant sa croix nous sommes liés à Jésus, enlacés à sa vie sur un même chemin. Si nous nous attachons à lui, Jésus, il ne nous lâchera jamais, il nous portera dans les bras du Père pour nous y reposer et reprendre Souffle.

Alors, attelés au Vivant, rendus doux et humbles de cœur comme lui, nous nous attelons à réconforter nos frères, bâtir la paix et semer la joie.


P. Jean-Emmanuel, homélie prononcée le dimanche 6 juillet 2014, cathédrale de Tours