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mercredi 25 mai 2016

Réflexion sur le bon usage des études scolaires en vue de l'Amour de Dieu

Ces réflexions furent, je crois, rédigées par Simone Weil en avril 1942. En tout cas, elle m'en fit don, afin de pouvoir, par mon intermédiaire, aider des étudiantes catholiques avec qui ma nomination à Montpellier devait me mettre en contact.
Ayant oublié de me les laisser en partant, elle me les envoya de Casablanca; elle y fait allusion dans sa lettre à S...
Simone y attachait une extrême importance; elle y livre le secret qui lui donne la force de persévérer dans ses études malgré toutes les difficultés, surtout celles qui lui vinrent de ses terribles migraines.
Avant de connaître Dieu, cette attitude en face de la vérité avait été une de ses grandes préoccupations; plus tard, quand elle le connut, elle en comprit encore mieux la valeur puisqu'elle découvrit alors que cette remise à la Vérité menait à Dieu et au prochain en lui.
Il serait hors de propos de faire ici grief à Simone Weil de ne parler que de cette attitude subjective qui ne tient pas compte des méthodes particulières à chaque disci­pline : autre doit être la méthode scientifique, autre la méthode littéraire, autres les lois de la science et autres celles de la création artistique; elle se place. au point de vue intérieur et unique de la "encontre avec Dieu. Mais il faut reconnaître que, éblouie par sa découverte, elle omet presque toujours ce point de vue « objectif », et c'est ce qui, nous l'avons vu, fut une de ses difficultés majeures dans l'étude du catholicisme.
R.P. PERRIN O.P.


La clef d'une conception chrétienne des études, c'est que la prière est faite d'attention. C'est l'orientation vers Dieu de toute l'attention dont 1 'âme est capable. La qua­lité de l'attention est pour beaucoup dans la qualité de la prière. La chaleur du cœur ne peut pas y suppléer.

Seule la partie la plus haute de l'attention entre en contact avec Dieu, quand la prière est assez intense et pure pour qu'un tel contact s'établisse; mais toute l'at­tention est tournée vers Dieu.

Les exercices scolaires développent, bien entendu, une partie moins élevée de l'attention. Néanmoins, ils sont pleinement efficaces pour accroître le pouvoir d'attention qui sera disponible au moment de la prière, à condition qu'on les exécute à cette fin et à cette fin seulement.

Bien qu'aujourd'hui on semble 1'ignorer, la formation de la faculté d'attention est le but véritable et presque 1'unique intérêt des études. La plupart des exercices sco­laires ont aussi un certain intérêt intrinsèque; mais cet intérêt est secondaire. Tous les exercices qui font vrai­ment appel au pouvoir d'attention sont intéressants au même titre et presque également.

Les lycéens, les étudiants qui aiment Dieu ne devraient jamais dire « Moi, j 'aime les mathématiques », « moi, j 'aime le français », « moi, j'aime le grec ». Ils doivent apprendre à aimer tout cela, parce que tout cela fait croî­tre cette attention qui, orientée vers Dieu, est la sub­stance même de la prière.

N'avoir ni don ni goût naturel pour la géométrie n'em­pêche pas la recherche d'un problème ou l'étude d'une démonstration de développer l'attention. C'est presque le contraire. C 'est presque une circonstance favorable.

Même il importe peu. qu'on réussisse à trouver la solu­tion ou à saisir la démonstration, quoiqu'il faille vrai­ment s 'efforcer d'y réussir. Jamais, en aucun cas, aucun effort d 'attention véritable n 'est perdu. Toujours il est pleinement efficace spirituellement, et par suite aussi, par surcroît, sur le plan inférieur de l'intelligence, car toute lumière spirituelle éclaire l'intelligence.

Si on cherche avec une véritable attention la solution d'un problème de géométrie, et si, au bout d'une heure, on n 'est pas plus avancé qu'en commençant, on a néanmoins avancé, durant chaque minute de cette heure, dans une autre dimension plus mystérieuse. Sans qu 'on le sente, sans qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus de lumière dans 1 'âme. Le fruit se retrouvera un jour, plus tard, dans la prière. il se retrouvera sans doute aussi par surcroît dans un domaine quelconque de I 'intelligence, peut-être tout à fait étranger à la mathématique. Peut-être un jour celui qui a donné cet effort inefficace sera-t-il capable de saisir plus directement, à cause de cet effort, la beauté d'un vers de Racine. Mais que le fruit de cet effort doive se retrouver dans la prière, cela est certain, cela ne fait aucun doute.

Les certitudes de cette espèce. sont expérimentales. Mais Si l'on n 'y croit pas avant de les avoir éprouvées, si du moins on ne se conduit pas comme Si l'on y croyait, on ne fera jamais l'expérience qui donne accès à de telles certitudes. Il y a là une espèce de contradiction. Il en est ainsi, à partir d'un certain niveau, pour toutes les con­naissances utiles au progrès spirituel. Si on ne les adopte pas comme règle de conduite avant de les avoir vérifiées, si on n 'y reste pas attaché pendant longtemps seulement par la foi, une foi d'abord ténébreuse et sans lumière, on ne les transformera jamais en certitudes. La foi est la condition indispensable.

Le meilleur soutien de la foi est la garantie que Si l'on demande à son Père du pain, il ne donne pas des pierres. En dehors même de toute croyance religieuse explicite toutes les fois qu'un être humain accomplit un effort d'attention avec le seul désir de devenir plus apte à saisir la vérité; il acquiert cette aptitude plus grande, même si son effort n 'a produit aucun fruit visible. Un conte esqui­mau explique ainsi l'origine de la lumière : « Le corbeau qui dans la nuit éternelle ne pouvait pas trouver de nour­riture, désira la lumière, et la terre s 'éclaira. » S 'il y a vraiment désir, si l'objet du désir est vraiment la lu­mière, le désir de lumière produit la lumière. Il y a vrai­ment désir quand il y a effort d 'attention. C'est vraiment la lumière qui est désirée si tout autre mobile est absent. Quand même les efforts d'attention resteraient en appa­rence stériles pendant des années, un jour une lumière exactement proportionnelle à ces efforts inondera 1' âme. Chaque effort ajoute un peu d'or à un trésor que rien au monde ne peut ravir. Les efforts inutiles accomplis par le Curé d'Ars, pendant de longues et douloureuses années, pour apprendre le latin, ont porté tout leur finit dans le discernement merveilleux par lequel il apercevait l'âme même des pénitents derrière leurs paroles et même derrière leur silence.

Il faut donc étudier sans aucun désir d 'obtenir de bon­nes notes, de réussir aux examens, d'obtenir aucun résul­tat scolaire, sans aucun égard aux goûts ni aux aptitudes naturelles, en s'appliquant pareillement à tous les exer­cices, dans la pensée qu'ils servent tous à former cette attention qui est la substance de la prière. Au moment où on s'applique à un exercice, il faut vouloir l'accomplir correctement; parce que cette volonté est indispensable pour qu'il y ait vraiment effort. Mais à travers ce but im­médiat l'intention profonde doit être dirigée unique­ment vers l'accroissement du pouvoir d 'attention en vue de la prière, comme lorsqu'on écrit on dessine la forme des lettres sur le papier, non pas en vue de cette forme, mais en vue de l'idée à exprimer.

Mettre dans les études cette intention seule à l'exclu­sion de toute autre est la première condition de leur bon usage spirituel. La seconde condition est de s 'astreindre rigoureusement à regarder en face, à contempler avec attention, pendant longtemps, chaque exercice scolaire manqué, dans toute la laideur de sa médiocrité, sans se chercher aucune excuse, sans négliger aucune faute ni aucune correction du professeur, et en essayant de re­monter à l'origine de chaque faute. La tentation est grande de faire le contraire, de glisser sur l'exercice cor­rigé s'il est mauvais, un regard oblique, et de le cacher aussitôt. Presque tous font presque toujours ainsi. Il faut refuser cette tentation. incidemment et par surcroît, rien n 'est plus nécessaire au succès scolaire, car on tra­vaille sans beaucoup progresser, quelque effort que l'on fasse, quand on répugne à accorder son attention aux fautes commises et aux corrections des professeurs.

Surtout la vertu d'humilité, trésor infiniment plus pré­cieux que tout progrès scolaire, peut être acquise ainsi. A cet égard la contemplation de sa propre bêtise est plus utile peut-être même que celle du péché. La conscience du péché donne le sentiment qu'on est mauvais, et un certain orgueil y trouve parfois son compte. Quand on se contraint par violence à fixer le regard des yeux et celui de l’âme sur un exercice scolaire bêtement manqué, on sent avec une évidence irrésistible qu'on est quelque chose de médiocre. Il n 'y a pas de connaissance plus dési­rable. Si l'on parvient à connaître cette vérité avec toute l’âme, on est établi solidement dans la véritable voie.

Si ces deux conditions sont parfaitement bien rem­plies, les études scolaires sont sans doute un chemin vers la sainteté aussi bon que tout autre.

Pour remplir la seconde il suffit de le vouloir. Il n'en est pas de même de la première. Pour faire vraiment attention, il faut savoir comment s'y prendre.

Le plus souvent on confond avec l'attention une espèce d'effort musculaire. Si on dit à des élèves « Maintenant vous allez faire attention », on les voit froncer les sour­cils, retenir la respiration, contracter les muscles. Si après deux minutes on leur demande à quoi ils font atten­tion, ils ne peuvent pas répondre. ils n 'ont fait attention à rien, Ils n 'ont pas fait attention. Ils ont contracté leurs muscles.

On dépense souvent ce genre d'effort musculaire dans les études. Comme il finit par fatiguer, on a l'impression qu'on a travaillé. C 'est une illusion. La fatigue n 'a aucun rapport avec le travail. Le travail est l'effort utile, qu'il soit fatiguant ou non. Cette espèce d'effort musculaire dans l'étude est tout à fait stérile, même accompli avec bonne intention. Cette bonne intention est alors de celles qui pavent l'enfer. Des études ainsi menées peuvent quel­quefois être bonnes scolairement, du point de vue des notes et des examens, mais c'est malgré l'effort et grâce aux dons naturels; et de telles études sont toujours inu­tiles.

La volonté, celle qui au besoin fait serrer les dents et supporter la souffrance, est l'arme principale de l'ap­prenti dans le travail manuel. Mais contrairement à ce que l'on croit d'ordinaire, elle n'a presque aucune place dans l'étude. L'intelligence ne peut être menée que par le désir. Pour qu'il y ait désir; il faut qu'il y ait plaisir et joie. L'intelligence ne grandit et ne porte de fruits que dans la joie. La joie d'apprendre est aussi indispensable aux études que la respiration aux coureurs. Là où elle est absente, il n'y a pas d'étudiants, mais de pauvres carica­tures d'apprentis qui au bout de leur apprentissage n 'auront même pas de métier.

C 'est ce rôle du désir dans l'étude qui permet d'en faire une préparation à la vie spirituelle. Or le désir, orienté vers Dieu, est la seule force capable de faire mon­ter l'âme. Ou plutôt c'est Dieu seul (lui vient saisir l'âme et la lève, mais le désir seul oblige Dieu à descendre. Il ne vient qu'à ceux qui lui demandent de venir; et ceux qui demandent souvent, longtemps, ardemment, il ne peut pas s'empêcher de descendre vers eux.

L'attention est un effort, le plus grand des efforts peut-être mais c 'est un effort négatif. Par lui-même il ne comporte pas la fatigue Quand la fatigue se fait sentir, l'attention n 'est presque plus possible, à moins qu'on soit déjà bien exercé; il vaut mieux s'abandonner, chercher une détente, puis un peu plus tard recommen­cer, se déprendre et se reprendre comme on inspire et expire.

Vingt minutes d'attention intense et sans fatigue va­lent infiniment mieux que trois heures de cette applica­tion aux sourcils froncés qui fait dire, avec le sentiment du devoir accompli : « J'ai bien travaillé. »

Mais, malgré l'apparence, c 'est aussi beaucoup plus difficile. Il y a quelque chose dans notre âme qui répu­gne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue. Ce quelque chose est beaucoup plus proche du mal que la chair. C'est pour­quoi, toutes les fois qu'on fait vraiment attention, on dé­truit du mal en soi. Si on fait attention avec cette inten­tion, un quart d'heure d'attention vaut beaucoup de bonnes oeuvres.

L'attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l'objet, à maintenir en soi-même à proximité de la pensée, mais à un niveau infé­rieur et sans contact avec elle, les diverses connaissances acquises qu'on est forcé d'utiliser. La pensée doit être, à toutes les pensées particulières et déjà formées comme un homme sur une montagne qui, regardant devant lui, aperçoit en même temps sous lui, mais sans les regarder, beaucoup de forêts et de plaines. Et surtout la pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer.

Tous les contresens dans les versions, toutes les absur­dités dans la solution des problèmes de géométrie, toutes les gaucheries de style et toutes les défectuosités de l'en­chaînement des idées dans les devoirs de français, tout cela vient de ce que la pensée s'est précipitée hâtivement sur quelque chose et étant ainsi prématurément remplie, n'a plus été disponible pour la vérité. La cause est tou­jours qu'on a voulu être actif; on a voulu chercher. On peut vérifier cela à chaque fois, pour chaque faute, Si l'on remonte à la racine. Il n'y a pas de meilleur exercice que cette vérification. Car cette vérité est de celles auxquelles on ne peut croire qu'en les éprouvant cent et mille fois. Il en est ainsi de toutes les vérités essentielles.

Les biens les plus précieux ne doivent pas être cher­chés, mais attendus. Car l'homme ne peut pas les trouver par ses propres forces, et s'il se met à leur recherche, il trouvera à la place des faux biens dont il ne saura pas discerner la fausseté.

La solution d'un problème de géométrie n 'est pas en elle-même un bien précieux, mais la même loi s'applique aussi à elle, car elle est l'image d'un bien précieux. Etant un petit fragment de vérité particulière, elle est une image pure de la Vérité unique, éternelle et vivante, cette Vérité qui a dit un jour d'une voix humaine : « Je suis la Vérité ».

Pensé ainsi, tout exercice scolaire ressemble à un sa­crement.

Il y a pour chaque exercice scolaire une manière spécifique d'attendre la vérité avec désir et sans se permettre de la chercher. Une manière de faire attention aux données d 'un problème de géométrie sans en chercher la solution, aux mots d'un texte latin ou grec sans en cher­cher le sens, d'attendre, quand on écrit, que le mot juste vienne de lui-même se placer sous la plume en repoussant seulement les mots insuffisants.

Le premier devoir envers les écoliers et les étudiants est de leur faire connaître cette méthode, non pas seule­ment en général, mais dans la forme particulière qui se rapporte à chaque exercice. C 'est le devoir, non seulement de leurs professeurs, mais aussi de leurs guides spi­rituels. Et ceux-ci doivent en plus mettre en pleine lu­mière, dans une lumière éclatante, l'analogie entre l'at­titude de l'intelligence dans chacun de ces exercices et la situation de l'âme qui, la lampe bien garnie d'huile, attend son époux avec confiance et désir. Que chaque adolescent aimant, pendant qu'il fait une version latine, souhaite devenir par cette version un peu plus proche de l'instant où il sera vraiment cet esclave qui, pendant que son maître est à une fête, veille et écoute près de la porte pour ouvrir dès qu'on frappe. Le maître alors ins­talle l'esclave à table et lui sert lui-même à manger.

C 'est seulement cette attente, cette attention qui peu­vent obliger le maître à un tel excès de tendresse. Quand l'esclave s'est épuisé de fatigue aux champs, le maître à son retour, lui dit Prépare mon repas et sers-moi. Et il le traite d'esclave inutile qui fait seulement ce qui lui est commandé. Certes il faut faire dans le domaine de l'action tout ce qui est commandé, au prix de n'im­porte quel degré d'effort, de fatigue et de souffrance, car celui qui désobéit n 'aime pas. Mais après cela on n 'est qu'un esclave inutile. C 'est une condition de l'amour, mais elle ne suffit pas. Ce qui force le maître à se faire l'esclave de son esclave, à l'aimer, ce n'est rien de tout cela; c 'est encore moins une recherche que l'esclave aurait la témérité d'entreprendre de sa propre initiative;c’est uniquement la veille, l'attente et l'attention.

Heureux donc ceux qui passent leur adolescence et leur jeunesse seulement à former ce pouvoir d'attention. Sans doute ils ne sont pas plus proches du bien que leurs frères qui travaillent dans les champs et les usines. Ils sont proches autrement. Les paysans, les ouvriers possèdent cette proximité de Dieu, d'une saveur incom­parable, qui agit au fond de la pauvreté, de l'absence de considération sociale, et des souffrances longues et len­tes. Mais Si on considère les occupations en elles-mêmes, les études sont plus proches de Dieu, à cause de cette attention qui en est l'âme. Celui qui traverse les années d'études sans développer en soi cette attention a perdu un grand trésor.

Ce n'est pas seulement l'amour de Dieu qui a pour substance l'attention. L'amour du prochain, dont nous savons que c'est le même amour. est fait de la même sub­stance. Les malheureux n'ont pas besoin d'autre chose en ce monde que d'hommes capables de faire attention à eux. La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile; c'est presque un miracle; c'est un miracle. Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l'ont pas. La chaleur, l'élan du coeur, la pitié n'y suffisent pas.

Dans la première légende du Graal, il est dit que le Graal, pierre miraculeuse qui par la vertu de l'hostie consacrée rassasie toute faim, appartient à quiconque dira le premier au gardien de la pierre, roi aux trois quarts paralysé par la plus douloureuse blessure « Quel est ton tourment?

La plénitude de l'amour du prochain, c 'est simplement d'être capable de lui demander « Quel est ton tour­ment? » C 'est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiqueté « malheu­reux », mais en tant qu'homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé d'une marque inimitable par le malheur. Pour cela il est suffisant, mais indispen­sable, de savoir poser sur lui un certain regard.

Ce regard est d'abord un regard attentif, où l'âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l'être qu'elle regarde tel qu'il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d'attention.

Ainsi il est vrai, quoique paradoxal, qu'une version latine, un problème de géométrie, même si on les a manqués, pourvu seulement qu'on leur ait accordé l'espèce d'effort qui convient, peuvent rendre mieux capable un jour, plus tard, Si l'occasion s'en présente, de porter à un malheureux, à l'instant de sa suprême détresse, exac­tement le secours susceptible de le sauver.

Pour un adolescent capable de saisir cette vérité, et assez généreux pour désirer ce fruit de préférence à tout autre, les études auraient la plénitude de leur efficacité spirituelle en dehors même de toute croyance religieuse.

Les études scolaires sont un de ces champs qui enferme une perle pour laquelle cela vaut la peine de vendre tous ses biens, sans rien garder à soi, afin de pouvoir l'acheter.



mercredi 18 mai 2016

Le 49, 3 : un souffle d’Espérance pour la France ?...


Cinquante jour viennent de s’écouler depuis cette annonce extraordinaire du tombeau vide.

Cinquante jours après Pâques, les juifs fêtaient la Pentecôte. En effet, cette fête, avant d’être une fête chrétienne, était et demeure une fête juive. Elle est l'une des trois grandes solennités de l’année, appelée fête de la Moisson ou des semaines. Elle commémore l’événement du Sinaï (Ex 19), la formation du peuple de Dieu par le don de la Torah = la Loi. Elle est donc le mémorial de l’Alliance entre Israël et son Dieu. A cette occasion, les Juifs (de tous les pays) montaient à Jérusalem en pèlerinage.

C’est ce jour précis que Saint Luc situe l’événement de l’effusion de l’Esprit Saint sur les disciples rassemblés. Le vent, le bruit, le feu ne sont pas sans rappeler l’épisode du don de la Loi à Moïse au Sinaï (Exode 19). Le message est clair pour les premiers chrétiens : en ce jour de Pentecôte, Dieu vient renouveler son Alliance. Mais cette fois, la Loi ne sera pas inscrite sur des tables de pierre mais dans les cœurs. Ainsi s’accomplit la prophétie de Jérémie et d’Ezéchiel : « Voici venir des jours où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle… je mettrai ma Loi au fond de leur cœur. Je serai leur Dieu et eux seront mon peuple… » En redisant l’amour miséricordieux du Seigneur pour son peuple, les prophètes annoncent que Dieu va susciter une transformation totale du cœur humain par la présence de l’Esprit Saint qui en fera sa demeure.
Depuis 2000 ans, cette effusion de l’Esprit continue de s’accomplir dans l’Église et le monde mais elle a besoin de cœurs d’hommes et de femmes pour accueillir le Don de Dieu et opérer ce renouvellement de l’Alliance. Je pense en particulier à notre pays, le France. Cette nation que l’on appelle la « fille aînée de l’Église » et que le prophète Saint Jean-Paul II a interpellée en 1980 : 
« France, qu’as-tu fait de ton baptême ? »
 La France depuis les années 1970, est entrée dans une crise qui n’est pas seulement économique mais aussi morale. Ces dernières années voient notre nation s’enfoncer dans une crise de plus en plus profonde. Cette semaine marque peut-être un paroxysme dans la crise, avec l’adoption en force de la loi El Komry. La question n’est pas de débattre si cette loi est bonne ou mauvaise. Mais la décision du Conseil des ministres d'adopter la loi en se passant de l’avis du législateur avec l’article 49-3 est une mauvaise nouvelle pour la démocratie en France.
À moins que l’on regarde les choses autrement...   avec le point de vue de la Bible ! Je suis tombé, cette semaine sur un article du site Aleteia. Les auteurs se sont amusés à chercher les références dans la Bible des chapitres 49 verset 3. Les résultats sont surprenants ; pour les auteurs de cet article :
« c’est une excellente nouvelle ! En effet, si l’on en croit Ben Sirac le Sage, ce passage en force dénoncé par une partie de nos parlementaires n’augurerait rien de moins que le retour à la foi de la Fille Aînée de l’Église !Il tourna son cœur vers le Seigneur et, dans ces temps d’abandon de la Loi, il raffermit la religion. (Si 49, 3)
    Dès lors, annonce le prophète Jérémie, l’heure des tribulations a sonné pour les puissants de ce monde : Tu peux gémir, Heshbone [France], sur la dévastation de Aï [la démocratie]. Filles de Rabba [Paris], poussez des cris, revêtez-vous de toile de jutte, lamentez-vous, errez sur les murailles, car Milcom [ ?] s’en va en exil, avec ses prêtres [députés] et ses princes [ministres], tous ensemble. (Jr 49, 3)
   Les mains liées, les députés peuvent supplier avec le psalmiste : Qu’il vienne, notre Dieu, qu’il rompe son silence ! Devant lui, un feu qui dévore ; autour de lui, éclate un ouragan. (Ps 49, 3)
Mais gardons confiance avec le prophète Isaïe en la vocation de la France : Il m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur ». (Is 49, 3)
    Le destin de notre pays dépasse de loin le mandat éphémère d’un gouvernement temporel. Le peuple français, qui s’est si souvent levé, furieux, bravache tombant de Charybde en Scylla au gré des alternances politiques, ferait bien d’écouter le patriarche Jacob quand il dit à Ruben (son fils aîné) dans la Genèse :  Toi, Roubène, mon premier-né, ma force, les prémices de ma virilité, débordant de fierté, débordant d’énergie (…), torrent impétueux, ne déborde plus ! (Gn 49, 3) » 
Aussi grave que soit la crise en France, elle ne peut égaler la crise qu’a vécue Israël au Ve siècle avant Jésus-Christ, lors de son Exil à Babylone. A cette époque, le Dieu de nos Pères n’a pas abandonné son peuple. Aujourd’hui encore, notre Dieu n’abandonne pas la nation française. Dieu prépare de grandes choses, notamment en préparant une nouvelle génération de jeunes chrétiens qui est en train de se lever. J’en suis témoin.


Alors je vous repose la question à vous, chrétiens, communauté de Ligueil et des villages alentour : 

  • Qu’as-tu fait de ton baptême ? 
  • Es-tu prêt à te laisser renouveler par le Saint-Esprit ? 
  • Es-tu prêt à abandonner toute « aquoibonite », toute résignation que l’on peut entendre dans le « rien ne peut changer ; on a toujours fait comme ça… »
            Je vous redis cette citation du prophète Jérémie (citée dans la dernière lettre testament de frère Roger) :
« Je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Eternel, 
projets de PAIX et non de malheur ; 
afin de vous donner un AVENIR, une ESPERANCE ! »
La Pentecôte est la fête de notre Avenir ! Accueillons l’Esprit de Dieu ! Esprit de douceur et de force (Rm 8) !


d’après la prédication en la Solennité de Pentecôte
 à l’église Saint-Martin de Ligueil, le 15 mai 2016

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point

Parole de Dieu  : 1 Jn 3,18-24 / Mt 5,13-16
Luce et Maxime au cours de votre préparation au mariage, l’un de vous a dit : « Je veux partager ma vie avec toi pour tout le reste de ma vie et t’aimer chaque jour de plus en plus… »
Qu’est-ce qui pousse un homme et une femme à dire une chose pareille ?
Il y a là quelque chose qui dépasse la raison… Pourtant, nous savons que c’est VRAI, parce que cette déclaration d’amour vient nous parler (nous toucher) au CŒUR ! Et même si nous savons aussi qu’avec le temps et les épreuves de la vie, cette belle promesse d’un amour pourra être altérée voire brisée parfois ; pourtant, nous savons au fond de nous-mêmes que c’est VRAI !
Ce désir d’Amour pour toujours qui pousse un homme et une femme à décider de s'engager pour toute leur vie ne s’explique pas ! Vous connaissez cette phrase célèbre des Pensées de Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »
Alors bien sûr, certains diront que cet Amour trouve son origine dans un volant de plume renvoyé d’une raquette à l’autre… ou bien dans le travail en vue de faire fructifier une vigne d’où coule ce breuvage fameux capable d’enivrer les cœurs… mais qu’est-ce que quelques plumes d’un volant de badminton ou ce vin le plus excellent soit-il pour rapprocher deux êtres apparemment si différents par l’âge et le milieu d’origine ? Est-ce seulement le fruit du hasard ? Ou bien le résultat d'un déterminisme ? 

Nous, chrétiens, nous croyons que cet Amour vient de plus loin. Il prend sa source au-delà des mots, au-delà de l’Histoire des hommes et même au-delà des cieux ! Il est un AMOUR ETERNEL ! un Amour DIVIN qui nous  dépasse de part en part et pourtant qui se trouve caché au plus intime de nous-mêmes !
Ce Mystère d’Amour, nous le croyons, nous chrétiens, s’est manifesté pour nous dans l’histoire d'une Alliance entre un peuple et son Dieu jusqu’à prendre visage en Jésus que nous reconnaissons comme le Christ, le Messie. Cet Amour (cf. 1 Jn 3 – 1ère lecture), tu y goûtes, Maxime, sans forcément y mettre encore un visage si ce n’est le visage de celle qui devient ton Epouse aujourd’hui, Luce. C’est donc une grande responsabilité pour toi, Luce, de conduire celui que tu reçois comme Epoux aujourd’hui, jusqu’à cette SOURCE de Lumière – dont tu portes le nom et que tu reconnais en cet homme Jésus. Lui qui nous a manifesté par sa VIE l’Amour d’un Père qui aime sans compter. Maxime, je ne peux que te recommander à cette « sourcière » pour découvrir le Trésor dans le champ de votre vie.
Car, oui, c’est un vrai TRESOR que la Foi en cet Amour divin, capable de déplacer les montagnes, de transfigurer une vie entière ! Cet Amour ne se réduit pas aux sentiments aussi forts soient ils ! Mais cet amour est un amour en ACTE comme le rappelle Saint Jean : Aimer à la manière de Dieu, ce n’est pas aimer « avec des paroles et des discours mais par des actes et en vérité ». Encore une fois : Jésus, en donnant sa vie jusqu’au bout : sa passion et la mort sur une croix, n’a pas lésiné sur les moyens pour nous dire à quel point il veut partager sa vie avec nous pour tout le reste de sa vie – c’est-à-dire l’Eternité – et nous aimer chaque jour de plus en plus.
Aujourd’hui, Luce et Maxime en vous donnant l’un à l’autre dans le mariage, vous accueillez ce MYSTERE de l’AMOUR. Vous répondez à l’appel qui vous est adressé de faire rayonner cet Amour en devenant « Lumière du monde » dans un monde parfois enténébré par la violence et la souffrance. 
Vous répondrez à cette vocation d’Aimer en devenant « Sel de la Terre ». Ce sel qui, offert aux voyageurs, était signe d’hospitalité ;
Mettez du sel autour de vous : par votre gentillesse, faites fondre la glace de tous les cœurs endurcis par la souffrance.
« Etre sel de la Terre », c’est aussi lutter contre toute forme de corruption : vous le savez, le sel empêche la corruption des aliments.
Enfin, vous serez « Sel de la Terre » en donnant du goût à la vie de tous ceux qui croiseront votre chemin.
Quel programme ! L’enjeu est de taille car, en ce XXIè siècle qui ne fait que commencer, il nous faudra relever ENSEMBLE d’énormes défis pour offrir un Avenir à nos enfants et les enfants de vos enfants.
Oui ! l’enjeu de ce qui se passe aujourd’hui, ici dans cette Église, est immense. Le Seigneur compte sur vous, il compte sur nous. Vous pouvez compter sur lui.


Jean-Emmanuel, homélie prononcée à l’occasion du mariage de Luce et Maxime, le 14 mai 2016, 
église Saint Denis, Amboise.
en bonus : "N'oublie jamais"     groupe Nannup
                  Story of my life       Piano Guys