Pages

lundi 18 mars 2019

Pourquoi je reste fidèle à l’Église ?


Le Mystère d’une Église de pécheurs pardonnés

En redescendant de la montagne la semaine passée, quel n’a pas été mon étonnement en découvrant l’accumulation de scandales touchant l’Église catholique ce dernier mois. J’ai été personnellement très blessé et meurtri. Humainement parlant, je ne sais pas comment on peut pardonner de tels actes d’abus sexuels, encore plus quand cela est commis par des hommes consacrés et des pasteurs. Mes pensées se tournent vers toutes les victimes de ces maux. Outre ces abus, j’ai lu aussi la recension du livre Sodoma,  qui parle de réseaux homosexuels au sein de la curie romaine. Tout en étant prudent sur la véracité des hypothèses avancées par Frédéric Martel, on comprend mieux les réactions de Benoît XVI et de François parlant de maladie spirituelle touchant la Curie.
Ce qui m’a un peu rassuré en écoutant Saint Paul (2ème lecture),  c’est de se rendre compte qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et dans l’Église. Dès le départ, des membres de l’Église ont succombé à la tentation du pouvoir, de la convoitise et de l’avarice. Saint Paul en pleure de dégoût :
Maintenant je le redis en pleurant :
beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ.
    Ils vont à leur perte.
Leur dieu, c’est leur ventre,
et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ;
ils ne pensent qu’aux choses de la terre.
(Phi 3, 17)

Malgré tous ces scandales, comme membre du clergé, je reste fidèle à l’Église catholique. Si j’appartenais à une entreprise ou une association quelconque, probablement que je l’aurais quitté.

Alors pourquoi je reste fidèle et solidaire de notre Église ?

Parce que l’Église à laquelle nous appartenons est une Église de pêcheurs pardonnés. Le cardinal Kasper, dans son livre l’Église catholique (2012) parle de l’Église, « noire, mais belle ». Elle est belle parce qu’elle a la capacité de sans cesse se réformer et se renouveler. Pourquoi ? Parce qu’elle est fondée sur le mystère de la miséricorde.
Je suis moi-même pêcheur. Qui serais-je pour lancer la première pierre ? (Jn 8) ma vocation je la dois à cette grâce de miséricorde infinie et inconditionnelle du Seigneur à mon égard. J’ai vécu bien des épreuves dans ma vie et comme Pierre je peux dire aussi « éloigne toi de moi Seigneur car je suis un homme pécheur » (Jn 5). Mais j’ai entendu aussi la parole du Christ qui me disait « Sois sans crainte tu seras pêcheur d’hommes désormais » et j’ai entendu la voix du Ressuscité me redonner sa confiance en me posant la question :  « m’aimes tu ? » / « Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ».  Il me répond : « Pais mes brebis ». (Jn 21)
Je me suis souvent posé la question, comme Pierre (Jn 21, 20) mais « pourquoi Jésus n’as-tu pas choisi comme chef de l'Église, Jean, ton disciple bien-aimé, celui qui a été fidèle jusqu’au bout à la Croix, celui qui a tout de suite compris que tu étais ressuscité en entrant dans le tombeau vide ? »
Mais non, Jésus a choisi Pierre et « sur cette pierre je bâtirai mon Église » précisément parce que Pierre est un « pêcheur pardonné ». Le mystère de l’Église est fondé sur ce mystère de la divine miséricorde. L’Église n’est pas une Église de purs mais une Église d’hommes et de femmes qui se reconnaissent pêcheurs pardonnés. Elle est un peuple de Sauvés par sa seule grâce. Jésus, en son temps, avait déjà dénoncé le pharisianisme. Et chaque fois que l’Église a eu la tentation d’être une Église de purs, elle a sombré dans l’hérésie (comme l’hérésie cathare au Moyen Âge). Au contraire, chaque fois qu’elle a été une Église de la miséricorde annonçant et vivant le pardon, elle est l’Église du Christ (cf. histoire de Desmond Tutu dans Forgiven).


Au cœur de nos épreuves il ne faut nous rappeler les paroles de Saint Paul : « il ne faut passer par bien des épreuves avant d’entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14, 22). Le disciple n’est pas au-dessus de son maître ; lui aussi doit traverser l’épreuve de la Croix. Dans l’Évangile de la transfiguration, Jésus parle avec Moïse et Élie de son départ vers Jérusalem c’est-à-dire sa montée au calvaire et sa mort sur la croix. Ces disciples vivront de plein fouet cette descente aux abîmes de leur ami Jésus, impuissants. Pour affronter cela Jésus donne un signe éclatant : il est transfiguré devant eux. C’est le signe annonciateur de sa Résurrection. Il n’y a pas de carême sans Pâques.
Dans la vie nous pouvons affronter les obscurités, les croix et le mal seulement si nous avons déjà goûté les joies du ciel,  seulement si nous savons que nous sommes « citoyens des Cieux » (Phi 3),  seulement si nous sommes saisis par la miséricorde divine.
Pour cela il nous faut monter sur la montagne chaque dimanche, rejoindre le Seigneur sur la petite hauteur qu'est l’autel. C’est là que le Seigneur se donne à voir dans l’Eucharistie. Là, nous sommes témoins du sacrifice de sa vie pour nous, là où nous assistons à sa transfiguration/résurrection, si nous savons le reconnaître dans la fraction du pain et alors que nos cœurs sont tout brulant lorsqu’il nous parlait en chemin (Lc 24).
A partir de l’homélie prononcée par P. Jean-Emmanuel à l’église Saint Paul du Sanitas (Tours) le 17 mars 2019