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mardi 29 janvier 2013

L’illusion financière : citoyens, pouvons-nous nous taire ?


 C’est au nom de  CEAS, de l’ACO et du MCC qui se sont judicieusement coordonnés que Bernard Leclercq accueille, ce 26 janvier 2013, un spécialiste des marchés financiers,  Gaël Giraud, à la fois jésuite et chercheur au CNRS, venu prononcer une conférence intitulée « illusion financière : citoyens, pouvons-nous nous taire ? ».






1 – Quelle est la vraie situation de la zone euro ?
Les problèmes structurels auxquels la zone euro est confrontée sont pour l’instant occultés. Pour Gaël Giraud, il s’agit de permettre à  Angela Merkel  de bénéficier de l’image de sauveur de la zone euro et ceci afin de faciliter sa réélection en septembre 2013. Mais au lendemain de ces élections,  on constatera que malgré la monnaie unique des divergences se font jour entre les pays du nord de l’Europe et les pays du sud de l’Europe. Les premiers s’industrialisent et exportent alors que les seconds (parmi lesquels la France) se cantonnent à l’agro-alimentaire et aux services. De même qu’aux Etats-Unis d’Amérique, les Etats pauvres bénéficient de transferts en provenance des Etats riches, on pourrait envisager en Europe une solution de type « fédéralisme budgétaire ». Mais une telle solution a peu de chance de voir le jour dans l’immédiat car voila déjà vingt ans que la classe moyenne allemande se serre la ceinture, d’abord pour financer la réunification et ensuite pour maintenir la compétitivité de son industrie. La deuxième difficulté vient de la dette de la Grèce qui augmente (ne fut-ce que pour rembourser les intérêts de la dette) alors que son PIB baisse (notamment suite au plan d’austérité). Face à cette situation, l’orateur propose de la création de monnaie par la BCE (Banque centrale européenne). Certes, on aboutirait à une dévaluation de l’euro mais d’une part, elle serait bénéfique (pour relancer les exportations) et d’autre part, limitée (car le monde entier a besoin d’euros).

2 -  Quelle est la vraie situation des banques ?
La situation dans le monde de la finance est pire en 2013 qu’en 2007. Les banques de la zone euro pèsent maintenant l’équivalent de 3 à 4 fois le PIB des Etats de la dite zone. Elles sont trop grandes pour disparaitre (to big to fail, comme disent les financiers). Et c’est le contribuable qui paie (Dexia, à hauteur de 12 milliards d’euros) ou qui paiera (SFEF, à hauteur de 30 milliards d’euros). Les banques font pression pour refuser la régulation et pour maquiller leurs comptes. En effet, comment expliquer qu’en 2009, elles aient fait des profits extraordinaires six mois après avoir frôlé la faillite ? Elles se sont réunies à Londres et ont demandé à l’IASB de modifier les normes et notamment les règles de valorisation des actifs toxiques. Quant au projet de séparation entre les activités de marché financier et les activités de dépot, il va accoucher d’une mesurette : la filialisation de l’activité spéculative qui ne fait qu’entériner la situation actuelle mais ne constitue pas une cloison étanche entre les deux d’activités, avec le risque que cela entraine pour l’ensemble de la banque.

3 – Quelles sont les solutions au niveau de la France et de l’Europe ?
Le pic de la production de pétrole est atteint et le réchauffement climatique attendu est supérieur à ce qui était prévu il y a encore peu. Il nous faut sortir d’un modèle économique qui repose sur le pétrole. Notre orateur, qui n’est pourtant pas un militant d’EELV nous invite à nous lancer dans la transition écologique. En tant qu’expert du Conseil national du débat sur la transition énergétique, il prône la rénovation thermique des bâtiments, l’écomobilité, et le verdissement des processus industriels et agricoles. Et d’ajouter qu’il s’agit « d’une révolution aussi ambitieuse que la révolution industrielle ». De cet ambitieux programme, on peut certes attendre une amélioration de la balance commerciale, une réduction des émissions de carbone, et la création massive d’emplois non délocalisables, mais quid du financement ? Il faut effectivement compter de l’ordre de 60 milliards d’euros par an pendant 10 ans soit 600 milliards pour la France et 3.000 milliards pour l’Europe. Rappelons que les Etats ont déjà mis à disposition des banques l’équivalent de 4.000 milliards depuis 2008. La transition coûterait donc moins cher que le sauvetage inachevé des banques. 

4 – Que pouvons-nous faire à notre petite échelle ?
La transition écologique pourrait constituer le grand projet de société qui nous manque. La reconstruction de l’Europe est terminée, les grandes utopies mobilisatrices ne font plus recettes, alors il ne reste que la financiarisation, la croyance dans le veau d’or. Pour le  chrétien, c’est du rapport à la Création de Dieu dont il s’agit et de la solidarité avec les générations futures qui par définition aujourd’hui ne peuvent pas faire entendre leur voix. Il y a aussi les gestes quotidiens (composter ses déchets, installer une ruche, préférer la douche au bain, choisir la marche ou le vélo plutôt que  la voiture, etc.). On peut aussi écrire à son député. Eviter la désespérance du petit geste qui, croit-on, ne sert à rien, en reliant le local au global (par exemple, avec des sites du genre de www.koom.org).

Manifestement cette réunion fut un succès : les organisateurs tablaient sur 100 participants et il en est venu plus de 300 ! A tel point que, juste avant de commencer, il a fallu de déménager de la salle paroissiale à l’église Ste-Jeanne-d’Arc. C’est dire d’une part,  l’intérêt que le thème suscite même en dehors du monde des finances et d’autre part, le travail des organisateurs tant au niveau de la diffusion de l’information que du choix d’un orateur dont les qualités pédagogiques sont déjà bien reconnues.
Cette réunion ne va pas rester sans lendemain : il s’agit, en en appelant à la conscience de chacun, de trouver une initiative politique prendre pour freiner la spéculation financière. Dans cette perspective, le CEAS[1] propose de se retrouver dans moins d’un mois pour donner un suivi, voire des suites concrètes, à cette conférence ?

Jean-Marie BEAUVAIS, le 29 janvier 2013, pour le site du diocèse de Tours



[1] CEAS Maison diocésaine 13 rue des Ursulines 37000 Tours ceas37@orange.fr

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