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dimanche 30 juin 2019

Tous appelés


C’était tout début mars, en 2013. Nous étions dans les scavi (fouilles) sous la basilique Saint Pierre de Rome, à quelques mètres sous le sol de l’autel majeur. À une portée de bras, nous touchions des yeux quelques ossements… c’étaient ceux de l’Apôtre Pierre, en personne… l’un des premiers compagnons de Jésus. 

Il y avait là Alexandre, Corentin, Sophie, Paul, Marianne, Clémentine, Marie-Reine, Christelle, et quelques autres compagnons… C’est alors qu’un chant s’est élevé, là en ce lieu des sources de la foi et de l’évangélisation de l’Occident et du monde :

R. Les saints et les saintes de Dieu
S´avancent vers le Roi des cieux,
Par leurs hymnes de joie,
Ils célèbrent sans fin celui qui donne vie !



En écho à ce chant, je repensais à ce qui s’était vécu, là dans cette basilique, 50 ans auparavant ! la plus grande assemblée des évêques (successeurs des apôtres) de tous les temps : le concile Vatican II. Le 21 novembre 1964, ils proclamaient une constitution (dogmatique) ) Lumen Gentium qui opérait une véritable transformation de l’Eglise catholique (une conversion à sa source). Cela pouvait se résumer à cette phrase au n°11 : avec la grâce de Dieu « tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père. »
Le pape François en a fait le sujet principal de toute son exhortation apostolique Gaudete et Exultate (19 mars 2018) : « l’appel à la sainteté dans le monde actuel ».

Comment retentit cet appel dans nos vies ?
Nous croyons trop souvent que l’exemple des saints est pour nous un objectif inatteignable ! La sainteté serait  comme gravir une haute montagne. Depuis le bas, ça paraît insurmontable ! Mais c’est oublié qu’on gravit une montagne ou une paroi grâce à ses failles ! (H. Maldiney) les alpinistes le savent bien ! À sa manière, Eloi Leclerc écrit dans Sagesse d’un pauvre :
« la sainteté n’est pas un accomplissement de soi, ni une plénitude que l’on se donne. Elle est d’abord un vide que l’on accepte et que Dieu vient remplir dans la mesure où l’on s’ouvre à sa plénitude. Notre néant, vois-tu, s'il est accepté, devient l'espace libre où Dieu peut encore créer. (…) Comment faire ? demanda Léon à François (d’Assise) 

Entendre l’appel à la sainteté : l’appel des cimes et l’écho des abîmes

Entendre l’appel à la sainteté  au cœur même de notre pauvreté la plus radicale ! surtout là ! car c’est là que Dieu peut prendre toute la place. Par le baptême, nous appartenons à Dieu. Et cela est confirmé lorsque nous recevons sa marque avec l’onction de l’huile sainte : « Reçois l’Esprit Saint le Don de Dieu ». Appartenir à Dieu, c’est dépendre totalement de lui : Dieu SEUL est notre Maitre – il est le « Roi des univers ». Répondre à l’appel à la sainteté, c’est tout recevoir de Dieu qui est Saint. Et vivre Pour LUI.
C’est l’expérience de Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. » (2 Co 12, 9)
C’est l’expérience d’Ignace de Loyola : « Prends Seigneur et reçois…Donne-moi seulement de T’Aimer, donne-moi cette grâce, elle seule me suffit. »
Et celle de Thérèse d’Avilla : « Nada te turbe… Solo Dios basta »

Répondre à l’appel : la vie aventureuse versus la vie du « dernier homme »

L’appel à la sainteté est « pour tous », encore faut-il se mettre « en marche », tenter de grimper dans la faille ! chuter, se relever ! « En marche » résonne comme l’appel au Bonheur des Béatitudes : « en marche les pauvres de cœurs… » (Mt 5)
Répondre à l’appel c’est OSER l’aventure de la foi ! Ouvrir les chemins d’une charité inventive! Tendu vers l’espérance indéfectible d’Amour fidèle qui nous précède en Avent !
Il y a mille façons de répondre à l’appel à la sainteté ! Se marier…, être consacrés, religieux, prêtre, diacre, missionnaire… Au plus profond de nous-mêmes, nous aspirons à l’aventure d’une vie de plein vent ! au souffle de l’Esprit !
J’aime rappeler cette citation du jeune Carlo Acutis découverte dans Christus Vivit : « Il arrive que tous les hommes naissent comme des originaux mais malheureusement beaucoup meurt comme des photocopies ». (Ne permets pas que cela t’arrive) Soyez des « originaux » ! ne soyez pas des pâles copies du « clone » qui se conforme à la pensée ambiante de notre société de consommation. En bref, fuyez la mondanité des « derniers hommes » dont parlait déjà le philosophe Nietzsche :
Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer ! Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. (…) Je vous montre le dernier homme. « Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu’est cela ? » — Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. 
Bien au contrainte, répondre à l’appel à être saint c’est oser la voie des cimes (parfois au bord de l’abîme) ; ou pour le dire autrement avec Saint Paul en introduction de son fameux hymne à l’amour : «  je vais vous indiquer le chemin par excellence. » À chacun d’inventer sa propre voie ! sa réponse originale à l’appel du Dieu trois fois Saint.
Tu peux arriver à être ce que Dieu, ton Créateur, sait que tu es, si tu reconnais que tu es appelé à beaucoup. Invoque l’Esprit Saint et marche avec confiance vers le grand but : la sainteté. Ainsi, tu ne seras pas une photocopie. Tu seras pleinement toi-même. (Christus Vivit 107)

La compagnie des saints

Dans la Prière Eucharistique n°1, après avoir cité une longue litanie des saints, nous disons à Dieu : « accueille nous dans leur compagnie ».
Nous ne marchons pas tout seul sur ce chemin de la Sainteté, comme le rappelle le célèbre Negro Spiritual : « Oh when the saints… »
Les saints ont toujours vécu en compagnie d’autres saints. C’est en marchant ensemble qu’ils sont devenus des « Amis dans le Seigneur ».
Saint Augustin, Saint Bernard, Saint François et Sainte Claire, Ignace, Pierre et François Xavier (« la compagnie de Jésus »), Pier Giorgio Frassati qui a fondé la « compagnie des types louches »…
Alexandre ce soir ta propre compagnie d’amis dans le Seigneur est là qui t’entoure. Je voudrais terminer avec les mots de ce chant du jésuite Jacques Guillet :
Quand on a livré sa vie au Seigneur Jésus,
quand on engage son existence dans une décision de fond,
On trouvera toujours dans le monde des frères et des sœurs,
des hommes et des femmes sachant pour quoi ils vivent,
Et l’on verra paraître le vrai visage d’une Église
accueillante et sereine au milieu des hommes.


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