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vendredi 18 mars 2016

Je n’ai rien qu’aujourd’hui, pour aimer

Jésus saisi aux entrailles par la détresse des papas et des mamans endeuillés

C’est avec une grande douleur que nous nous retrouvons ce matin autour du petit Evan. La tristesse est d’autant plus grande lorsque nous éprouvons la douleur de perdre un petit enfant. Mourir si jeune est quelque chose qui va à l’encontre du sens de l’engendrement de la vie.
Jésus, lui-même, le Fils de Dieu, a souvent été pris aux entrailles lorsqu’il croisait sur son chemin des hommes et des femmes éprouvés par le deuil ; et en particulier les papas et les mamans qui ont perdu leur enfant ; le pense à Jaïre, qui a perdu sa fille (Mc 5, 21-43), il y a aussi la veuve de Naïm qui a perdu son fils et que Jésus vient ressusciter (Lc 7,11-16)…
Nous avons entendu cet Evangile qui exprime l’un des traits les plus prégnants de la personnalité de Jésus : sa profonde compassion, sa profonde empathie : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).

« Je n’ai rien qu’aujourd’hui, pour aimer… » : la vie intense de l’ « aujourd’hui »

            Que dire de cette courte vie d’Evan. En pensant à lui, m’est revenu en mémoire l’histoire du petit Oscar racontée par EE Schmitt, dans le livre « Oscar et la Dame en Rose ». Oscar est atteint d’une leucémie, et il ne lui reste que 10 jours à vivre. Pour l’accompagner sur son dernier chemin, une dame vient le visiter, c’est Mamie Rose. Elle lui propose deux choses :
1.     vivre chaque jour comme 10 ans de sa vie (il vivra ainsi jusqu’à 110 ans !)
2.     d’écrire à Dieu : ses joies, ses peines, ses interrogations sur la vie.
Ce livre est donc le recueil des lettres d’Oscar (il raconte ainsi tout le chemin qui le conduit à la foi en Dieu…) Ce livre nous redit quelque chose du cœur de la vie humaine éclairée par la foi en Jésus-Christ. Il nous dit aussi que ce n’est pas la longueur d’une vie qui en donne sa saveur, sa beauté, sa grandeur… ; mais c’est la manière de la vivre.
Cela repose la question à chacun : quel est le sens de ma vie ? quels moyens est-ce que je me donne pour que chaque jour aussi banal soit-il soit vécu avec une telle intensité qu’il puisse combler toute une vie ? cf. Ste Thérèse de l’Enfant Jésus (morte à seulement 23 ans, sainte et docteur de l’Eglise) : « Je n’ai rien qu’aujourd’hui, pour aimer !
C’est cette intensité de vie que vous avez vécu avec Evan qui en donne toute sa saveur : et ce sont tous ces moments de complicité et d’amour que vous garderez toujours en mémoire.
cd. la dernière lettre de Mamie Rose
« Cher Dieu,
Le petit garçon est mort.
Je serai toujours dame rose mais je ne serai plus Mamie-Rose. Je ne l’étais que pour Oscar.
Il s’est éteint ce matin, pendant la demi-heure où ses parents et moi nous sommes allés prendre un café. Il a fait ça sans nous. Je pense qu’il a attenu ce moment-là pour nous épargner. Comme s’il voulait nous éviter la violence de la voir disparaître.
C’était lui, en fait, qui veillait sur nous.
J’ai le cœur gros, j’ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser. Il faut que je garde encore mes larmes pour moi, jusqu’à ce soir, parce que je ne veux pas comparer ma peine à celle, insurmontable de ses parents.
Merci de m’avoir fait connaître Oscar. Grâce à lui, j’étais drôle, j’inventais des légendes, je m’y connaissais même en catch. Grâce à lui, j’ai ri et j’ai connu la joie. Il m’a aidé à croire en toi. Je suis plein d’amour, ça me brûle, il m’en a tant donné que j’en ai pour toutes les années à venir.
A bientôt
Mamie-Rose

Evan : sa naissance, sa courte vie, sa passion, sa mort… dans l’attente de la Résurection

Evan, par sa courte vie, vous a donné, je crois, à percevoir – sans que vous en ayez pris conscience – quelque chose du Mystère du Christ Jésus : comme lui il est né, il a grandi, il a vécu avec vous de grands moments de joie et aussi de peines, ces derniers jours ont été un peu sa « passion » ; la mort l’a emporté si rapidement ; comme pour Jésus. Cette Passion de Jésus c’est ce que nous allons méditer tout au long de la semaine qui vient (en particulier le dimanche des Rameaux / Vendredi Saint). Evan n’est peut-être pas parti à n’importe quel moment de l’année. Voici que nous l’enterons un VENDREDI – en cette première semaine de la Passion – Vous, ses deux parents, vous voilà comme la Vierge Marie et Saint Jean au pieds de la croix, recueillant dans vos bras ce « fils unique ». Seuls vous ses parents pouvaient ressentir la douleur qui a transpercé le cœur de la Vierge Marie et voyant son fils unique mourir.
Il faudra probablement du temps pour faire le deuil de cet enfant, Evan … pour essayer d’en percevoir un sens pour vous. La seule chose que je sais, c’est que, dès aujourd’hui, vous avez auprès de Dieu notre Père, un puissant intercesseur. C’est Jésus qui le dit lui-même dans Mt 18,10 : les anges des petits enfants « voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux ».
Le Rituel des funérailles des petits enfants, dans l’Eglise catholique, le redit avec force : ces enfants mort prématurément vivent auprès de Dieu notre Père… Si bien que ce n’est pas tant nous qui devons prier pour eux, mais c’est bien EUX qui prient pour nous ; nous qui poursuivons notre route sur la terre – bien sûr, cela ne comble pas le vide que la disparition d’Evan laisse derrière lui dans vos vies. Mais il est important de savoir que désormais vous pouvez compter sur lui avec les saints et les anges : compter sur lui pour continuer d’avancer dans la vie dans la confiance, en osant vivre la RECONCILIATION entre vous, en OUVRANT des chemins de vie dans chacune de vos existences… et tout spécialement dans cette année du jubilé de la miséricorde.
Et n’oubliez pas les paroles de cette chanson de la famille Chedid « on ne dit jamais assez aux gens qu’on aime… qu’on les aime ».

Et lorsqu’un jour, le Seigneur Dieu de l’univers nous réunira tous ensemble autour de la table de son festin à la fin des temps dans son Royaume ; nous nous raconterons avec joie les merveilles que le Seigneur aura faites pour nous par l’intercession d’Evan – votre ambassadeur, désormais auprès de Dieu notre Père.

Je terminerai seulement avec ce Post Scriptum du livre de « Oscar et la Dame en rose » qui dit quelque chose de l’Espérance de la Résurrection :
(Mamie-Rose s’adresse à Dieu) PS : « les trois derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Je crois que cela te concerne: « Seul Dieu a le droit de me réveiller ».

Amen
homélie prononcée à l'occasion de la sépulture d'Evan Dubois (3ans et demi) à l'église Saint Christophe (Créteil) le vendredi 18 mars 2016
Jean-Emmanuel

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