Jeudi
Saint 2019
Le repas de
Pâques du Seigneur est ce dernier moment d’intimité entre Jésus et ses
disciples. Il leur offre ses dernières paroles. « Aimez vous les avez autres comme je vous ai aimé » : c’est
le testament de Jésus qu’il ne laisse.
La petite
communauté des disciples n’est pas sans rappeler l’Église d’aujourd’hui. Alors
que Jésus va célébrer la Pâque et vivre sa propre Pâque (le Passage vers son
Père ; Jn 13), la petite communauté des disciples est au bord de l’implosion.
Tout avait
pourtant si bien commencé…
rappelons-nous les bords du Jourdain où Nous avions entendu l’appel du
Maître : « viens et vois… ». Les disciples avaient vécu avec
beaucoup de joie les premiers succès de la mission de Jésus venu guérir les
malades, sauver les pêcheurs, libérer les hommes de leur esclavages :
mondanités, orgueil, jalousie… Il y avait bien eu les premières désillusions
lorsque que l’annonce du Royaume a dû affronter la dure et froide réalité de ce
monde gouverné selon l’ordre des puissants et des savants ne voulant pas être
remis en cause.
À l’heure du
jeudi saint, il ne reste autour de Jésus qu’un petit groupe restreint de
disciples. La tension est palpable
pendant ce dernier repas. Une crise
couve. Judas a déjà vendu son ami quelques heures auparavant. À Gethsémani, après
avoir vu le visage défiguré de Jésus, Pierre reniera son ami : « je
ne le connais pas ». Tous les autres disciples vont fuir cette
nuit-là. Personne ne va soutenir et
défendre Jésus, livré aux mains de ses bourreaux.
Pour les proches
de Jésus c’est tout qui s’écroule. Un peu comme cette cathédrale Notre-Dame, et
comme notre église touchée par les crimes d’abus sexuels qui font entrer l’Église
dans une grave crise morale. Le corps du Christ est comme défiguré par le péché
des hommes et risque à tous de moment d’être disloqué.
Et pourtant, il nous
revient, à la mémoire, cette promesse inouïe de Jésus :
« Détruisez ce temple et en trois jours je le
relèverai » (Jn 2,19 ; Mc 14, 58).
Et c’est au pire moment de la crise
que traverse la communauté primitive des disciples, que Jésus institue
l’eucharistie. Ce soir, une fois encore, il nous redit : « Ceci est
mon corps livré pour vous ».
Prenez mangez voici mon Corps,
le pain de vie qui est brisé pour vous.
Prenez, mangez voici mon corps qui est donné
pour vous.
Prenez, buvez voici mon sang
Source de vie qui est versée pour vous
Prenez,
buvez voici mon sang qui se répand pour
vous.
Comment ne pas entendre ces paroles
en écho à notre situation historique inédite :
2. dislocation de l’Église.
Au cœur de ce
drame, Jésus annonce la reconstruction
de son corps ; le rétablissement de la communion
par sa vie livrée. Une communion reconstruite par un amour qui a été
jusqu’au bout :
« Jésus ayant aimé les siens qui
étaient dans le monde les aima jusqu’au bout ».
La communion est
rétablie par ce geste d’humilité profonde : le lavement des pieds.
Ce lavement des
pieds dit l’humilité de notre Dieu qui nous supplie, à genoux, nous nous
réconcilier. Le lavement des pieds annonce son sacrifice, le sacrifice de sa
vie sur la Croix, et jusqu’à sa descente aux enfers.
Jésus, Tu as échangé ta vie pour la mienne
C’est l’extraordinaire témoignage de la
miséricorde divine.
En cela, celle
qui aura le mieux imité Jésus, c’est Marie, Notre Dame.
Comment ne pas
penser, en ces jours, à Notre Dame, Marie, qui peut-être à sa manière, en se laissant dépouillée, par
les flammes, de sa parure de Reine du Ciel, est venue à notre chevet,
1. au chevet de
la France qui risque la dislocation
2. au chevet
d’une Eglise bien malade avec la crise morale qu’elle traverse.
Je vois cette croix de feu
impressionnante et j’ai vu du haut de la cathédrale Notre-Dame.
J’y vois le signe de cet
abaissement de Jésus et Marie (la Pieta)
venus une nouvelle fois relever la France et les nations, nous prendre par la
main et nous tirer de notre péché mortifère.
Jésus si tu as tout donné, je veux tout donner
Si tu as choisi d’aimer, je veux aimer.
Homélie prononcée
par Jean-Emmanuel Garreau, le jeudi 18 avril 2019, à l’église Saint Paul du
Sanitas
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