Garder la mémoire d'un loser de l'histoire
Nous venons d’écouter ce long récit de la Passion selon
Saint Luc.
Mais pourquoi donc, l’Eglise a t-elle gardé ce récit d’un loser, d’un perdant, d’un vaincu ?
car c’est bien cela le récit de la passion : Jésus, lui qui pourtant avait
été acclamé par la foule lors de son entrée triomphale à Jérusalem, lui qui
avait été l’ « étoile » montante ; le voici pris dans une
spirale de violence : trainé devant les tribunaux, dans un procès
bidon ; humilié, maltraité, fouetté, rejeté, raillé « si tu es l’Elu,
le Messie sauve toi toi-même ! » … Il meurt sur une croix abandonné
de tous ou presque. Ce long récit se termine avec sa mise au tombeau… et c’est
tout ! fini… « et nous qui
avions cru qu’il serait le Sauveur… »
Je vous repose donc la question : pourquoi donc,
l’Eglise a t-elle gardé ce récit du looser
Jésus, cet énième vaincu de
l’histoire… (car il y en a eu avant lui, des perdants de l’histoire, et il y en
aura après lui) ?
Nous le savons, d’habitude, les institutions – qu’elles
soient politique, religieuse, sociale… - gardent en mémoire, en souvenir le récit des vainqueurs.
L’Eglise : non ! Elle a gardé ce récit du vaincu ; même
si par le passé, l’Eglise a toujours eu la tentation de se tenir aux côtés des
vainqueurs ; son Evangile lui garde la « Mémoire de la Passion »
(memoria Passionis) comme son plus
précieux trésor.
La Memoria Passionis, le trésor de l'Eglise
En effet, ce récit est le cœur de
l’Evangile puisque tous les autres récits des évangiles convergent vers lui. De
la même manière, dans la liturgie, l’Eglise réserve une place de choix à ce
récit puisqu’elle le proclame en entier deux fois au cœur de la Semaine Sainte
(sommet de l’année liturgique) : à l’entrée de la semaine, c’est
aujourd’hui, le jour des Rameaux ; et aussi le Vendredi Saint – jour du
basculement du Triduum pascal : nous écouterons alors la Passion selon
saint Jean.
L’Eglise garde précieusement cette Memoria Passionis, cette mémoire « dangereuse » des
vaincus. Pourquoi ?
Le choix de Dieu en faveur des plus vulnérables
Cette Memoria
Passionis nous dit quelque chose de fondamental : le choix de Dieu -
le Dieu de Jésus Christ sauveur – c’est prioritairement les petits, les
faibles, les exclus, tous les vaincus de l’histoire. Comment ne pas penser en
ces jours saints aux peuples frappés par la guerre au Moyen Orient, ces
populations meurtris par la tyrannie de Daech mais aussi en Afrique, ces
milliers de femmes et d’enfants violés par des mercenaires ; comment ne
pas penser en particulier dans nos sociétés occidentales à tous ces enfants qui
ne verront jamais le jour parce qu’avortés – avortés parce qu’ils ne rentrent pas
dans les normes de nos sociétés ultra-libérales soumises au diktat de
l’efficacité et de la compétitivité.
L’attention de Dieu se porte sur
ces petits et ses fragiles depuis le début. Nous le voyons dans Exode 3,14 lorsqu’il
s’adresse à Moïse : « j’ai entendu des souffrances de mon peuple, le
bruit du claquement de fouet sur leur dos… et je viens les libérer… je
t’envoie ».
Mais attention, cette Memoria
Passionis, c’est une mémoire « dangereuse » (cf. le théologien Jean-Baptiste
Metz) : cette mémoire vient remettre en cause le pouvoir des puissants dans
la société … mais aussi dans l’Eglise ! oui cela concerne l’Eglise :
nous le voyons dans ce récit de la passion selon Saint Luc : autour du
dernier repas, il y a cette disputes entre les disciples pour savoir qui est le
plus grand. Jésus répond : « il ne doit pas en être ainsi entre vous
comme pour les rois des nations qui commandent en maître » ; il
s’agit au contraire de se revêtir du tablier du serviteur.
La mémoire "dangereuse"
Cette "mémoire dangereuse" trouve aussi son expression dans
l’hymne du Magnificat de Marie (Lc
2) : Mon âme exalte le Seigneur, il
s’est penché sur son humble servante… Il renverse les puissants et il élève les
humbles, Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Cet hymne repris chaque soir dans les vêpres est un hymne
« révolutionnaire ». Il s’agit de cette « révolution de
l’Amour » à laquelle aspirait Saint Jean-Paul II et dont le pape François
ne cesse d’appeler.
Notre situation en France
Les « puissants » en
France, accrochés à leurs privilèges, ne s’y trompent pas. En attaquant
l’Eglise, ils mettent en lumière le mécanisme du péché qui conduit à la
« mort » d’un innocent.
Comment devons-nous réagir à
toute forme de persécution ?
1.
L’Eglise doit être fidèle à l’Evangile, à cette Memoria passionis, en étant au côté des
victimes, notamment celles qui ont vécu des actes de pédophilie (dans l’exemple
des récentes « persécutions » implicites de ces derniers jours).
2.
MAIS la remontée de ces affaires dans le
contexte politique très particulier confond en ridicule nos gouvernants. C’est
ce que montre Jean-Pierre Denis de l’hebdomadaire la Vie dans un post récent sur
facebook (daté du 17 mars, 17h59, Paris):
Juliette Meadel appelle à la démission de Barbarin.
Alors voilà, c'est plein d'infos, ce petit truc là.
- D'abord, on apprend que la secrétaire d'Etat aux victimes existe.
- deuxio, qu'elle a trouvé une victime, même si ce que
l'on lui demandait n'était sans doute pas cela. Elle a visiblement cru qu'il
fallait FAIRE une victime. Alors elle a pris Barbarin. Cela tombait sous le
sens.
- Tertio, que cette avocate ignore les règles
élémentaires du droit : présomption d'innocence, prescription, caractère
proportionné de la peine, droit à l'oubli après que la peine soit purgée,
réinsertion.
- Quarto, puisqu'elle parle après Valls, que les propos
du premier ministre n'étaient pas un dérapage. Il s'agit d'une ligne politique.
La loi de 1905 est abolie, on revient au gallicanisme royal. Le Roi nomme les
évêques et les abbés.
- Enfin : avec l'Eglise, tout est permis. On se refait
une virginité politique pour pas cher. Oubliée, la réforme du code du travail !
Etre des Témoins c'est être solidaires des Victimes à la suite du Christ : la sequela Christi
Que retenir de tout cela ?
1.
nous Chrétiens, face à ces « persécutions
sous-jacentes » NE CHERCHONS pas à être considérés comme des
VICTIMES !!! Mais au contraire soyons toujours SOLIDAIRES des victimes (et
en particulier auprès de ceux qui ont été victimes d’actes pédophiles)
2.
Soyons d’authentiques TEMOINS (martyrs ; de
grec martyrion) ; livrons notre
vie comme notre seul « Maître » le Seigneur Jésus a fait pour nous,
en prenant la suite de ceux qui nous ont précédés sur ce chemin de la Passion
et de la Résurrection, à la suite de nos frères chrétiens d’Orient…
Oui soyons témoins de cette Memoria passionis, espérant contre tout
espérance notre Résurrection avec lui.
Amen
d'après l'homélie prononcée le dimanche 20 mars (dimanche des Rameaux) à l'église Saint Gervais de Manthelan
Jean-Emmanuel
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