Jésus saisi aux entrailles par la détresse des papas et des mamans endeuillés
C’est avec une grande douleur que
nous nous retrouvons ce matin autour du petit Evan. La tristesse est d’autant
plus grande lorsque nous éprouvons la douleur de perdre un petit enfant. Mourir
si jeune est quelque chose qui va à l’encontre du sens de l’engendrement de la
vie.
Jésus, lui-même, le Fils de Dieu,
a souvent été pris aux entrailles lorsqu’il croisait sur son chemin des hommes
et des femmes éprouvés par le deuil ; et en particulier les papas et les
mamans qui ont perdu leur enfant ; le pense à Jaïre, qui a perdu sa fille
(Mc 5, 21-43), il y a aussi la veuve de Naïm qui a perdu son fils et que Jésus
vient ressusciter (Lc 7,11-16)…
Nous avons entendu cet Evangile
qui exprime l’un des traits les plus prégnants de la personnalité de
Jésus : sa profonde compassion, sa profonde empathie : « Venez à
moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous procurerai le
repos » (Mt 11, 28).
« Je n’ai rien qu’aujourd’hui, pour aimer… » : la vie intense de l’ « aujourd’hui »
Que dire de
cette courte vie d’Evan. En pensant à lui, m’est revenu en mémoire l’histoire
du petit Oscar racontée par EE Schmitt, dans le livre « Oscar et la Dame
en Rose ». Oscar est atteint d’une leucémie, et il ne lui reste que 10
jours à vivre. Pour l’accompagner sur son dernier chemin, une dame vient le
visiter, c’est Mamie Rose. Elle lui propose deux choses :
1.
vivre chaque jour comme 10 ans de sa vie (il vivra
ainsi jusqu’à 110 ans !)
2.
d’écrire à Dieu : ses joies, ses peines,
ses interrogations sur la vie.
Ce livre est donc le recueil des lettres d’Oscar (il raconte
ainsi tout le chemin qui le conduit à la foi en Dieu…) Ce livre nous redit
quelque chose du cœur de la vie humaine éclairée par la foi en Jésus-Christ. Il
nous dit aussi que ce n’est pas la longueur d’une vie qui en donne sa saveur,
sa beauté, sa grandeur… ; mais c’est la
manière de la vivre.
Cela repose la question à chacun : quel est le sens de ma vie ? quels moyens est-ce que je me donne
pour que chaque jour aussi banal soit-il soit vécu avec une telle intensité
qu’il puisse combler toute une vie ? cf. Ste Thérèse de l’Enfant
Jésus (morte à seulement 23 ans, sainte et docteur de l’Eglise) : « Je
n’ai rien qu’aujourd’hui, pour aimer !
C’est cette intensité de vie que
vous avez vécu avec Evan qui en donne toute sa saveur : et ce sont tous
ces moments de complicité et d’amour que vous garderez toujours en mémoire.
cd. la dernière lettre de Mamie
Rose
Le petit garçon est
mort.
Je serai toujours dame
rose mais je ne serai plus Mamie-Rose. Je ne l’étais que pour Oscar.
Il s’est éteint ce
matin, pendant la demi-heure où ses parents et moi nous sommes allés prendre un
café. Il a fait ça sans nous. Je pense qu’il a attenu ce moment-là pour nous
épargner. Comme s’il voulait nous éviter la violence de la voir disparaître.
C’était lui, en fait,
qui veillait sur nous.
J’ai le cœur gros,
j’ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser. Il faut que je
garde encore mes larmes pour moi, jusqu’à ce soir, parce que je ne veux pas
comparer ma peine à celle, insurmontable de ses parents.
Merci de m’avoir fait
connaître Oscar. Grâce à lui, j’étais drôle, j’inventais des légendes, je m’y
connaissais même en catch. Grâce à lui, j’ai ri et j’ai connu la joie. Il m’a
aidé à croire en toi. Je suis plein d’amour, ça me brûle, il m’en a tant donné
que j’en ai pour toutes les années à venir.
A bientôt
Mamie-Rose
Evan : sa naissance, sa courte vie, sa passion, sa mort… dans l’attente de la Résurection
Evan, par sa courte vie, vous a
donné, je crois, à percevoir – sans que vous en ayez pris conscience – quelque
chose du Mystère du Christ Jésus : comme lui il est né, il a grandi,
il a vécu avec vous de grands moments de joie et aussi de peines, ces derniers
jours ont été un peu sa « passion » ; la mort l’a emporté si
rapidement ; comme pour Jésus. Cette Passion de Jésus c’est ce que nous
allons méditer tout au long de la semaine qui vient (en particulier le dimanche
des Rameaux / Vendredi Saint). Evan n’est peut-être pas parti à n’importe quel
moment de l’année. Voici que nous l’enterons un VENDREDI – en cette première
semaine de la Passion – Vous, ses deux parents, vous voilà comme la Vierge Marie
et Saint Jean au pieds de la croix, recueillant dans vos bras ce « fils
unique ». Seuls vous ses parents pouvaient ressentir la douleur qui a
transpercé le cœur de la Vierge Marie et voyant son fils unique mourir.
Il faudra probablement du temps
pour faire le deuil de cet enfant, Evan … pour essayer d’en percevoir un
sens pour vous. La seule chose que je sais, c’est que, dès aujourd’hui, vous
avez auprès de Dieu notre Père, un puissant intercesseur. C’est Jésus qui le
dit lui-même dans Mt 18,10 : les anges des petits enfants
« voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux ».
Le Rituel des funérailles des
petits enfants, dans l’Eglise catholique, le redit avec force : ces
enfants mort prématurément vivent auprès de Dieu notre Père… Si bien que ce
n’est pas tant nous qui devons prier pour eux, mais c’est bien EUX qui prient pour nous ; nous qui
poursuivons notre route sur la terre – bien sûr, cela ne comble pas le vide que
la disparition d’Evan laisse derrière lui dans vos vies. Mais il est important
de savoir que désormais vous pouvez compter sur lui avec les saints et les
anges : compter sur lui pour continuer d’avancer dans la vie dans la
confiance, en osant vivre la RECONCILIATION entre vous, en OUVRANT des chemins
de vie dans chacune de vos existences… et tout spécialement dans cette année du
jubilé de la miséricorde.
Et n’oubliez pas les paroles de
cette chanson de la famille Chedid « on ne dit jamais assez aux gens qu’on
aime… qu’on les aime ».
Et lorsqu’un jour, le Seigneur
Dieu de l’univers nous réunira tous ensemble autour de la table de son festin à
la fin des temps dans son Royaume ; nous nous raconterons avec joie les
merveilles que le Seigneur aura faites pour nous par l’intercession d’Evan –
votre ambassadeur, désormais auprès de Dieu notre Père.
Je terminerai seulement avec ce Post Scriptum du livre de « Oscar
et la Dame en rose » qui dit quelque chose de l’Espérance de la
Résurrection :
(Mamie-Rose s’adresse à
Dieu) PS : « les trois
derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Je crois
que cela te concerne: « Seul Dieu a le droit de me réveiller ».
Amen
homélie prononcée à l'occasion de la sépulture d'Evan Dubois (3ans et demi) à l'église Saint Christophe (Créteil) le vendredi 18 mars 2016
Jean-Emmanuel
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