"Il ne faut pas reconstruire Notre Dame de Paris" (cf. article)
Derrière
cette affirmation qui vient en contrepoint de ce que l'on entend partout, il
faut
apprécier
l'honnêteté de cette historienne athée qui pose une excellente question. En
effet "faut-il reconstruire Notre Dame ?" La question mérite d'être
posée.
L'auteur pointe
très justement ce que signifiait, pour les hommes et les femmes du Moyen
Âge : cet édifice qui reflétait le culture de son temps était censé défier
l'usure du temps. Or notre culture et notre vision du monde aujourd'hui ne sont
plus celles des hommes et des femmes au Moyen Âge. Reconstruire… et à
l’identique, quel sens cela pourrait-il avoir puisque notre situation
historique a changée ?
Au monde unifié
du Cosmos à l'époque du Moyen Âge ont succédé le monde "dramatique"
de l'Histoire à partir de l'époque moderne, et le monde "éclaté" de
ce que certains ont appelé l'époque postmoderne dans laquelle nous vivons. On
peut être nostalgique du passé, le regretter, l'idéaliser. Notre monde présent
est différent. Il est un monde à aimer. Il est le monde que Dieu aime.
"Dieu a tellement aimé le monde..." (Jn 3).
L'immanentisme
ambiant (cette idéologie d'un monde clôt sur lui-même) voudrait nous faire
croire que nous sommes de simples mortels, que nous sommes voués à la mort et
que rien n’échappe à la destruction. Pourtant, à travers cette destruction
partielle, nous pressentons - et même les athées... – que cette sinistre fin
n’est pas notre destinée ultime. Derrière l’émotion qu’a suscité l’incendie de
Notre Dame, il y a "en creux" le désir d'éternité inscrit en tout
homme (cf. Pascal, Lubac...).
L'humaniste
athée - qui se construire "par lui-même" - est honnête et cohérent
avec lui-même lorsqu’il rejette cette éternité promise et ne souhaite pas voir
se reconstruire Notre Dame. Certains y ont vu son propre "drame". Pour
autant, cette historienne pose la bonne question : celle de notre FINITUDE. Car
même si nous sommes destinée à l'éternité (c'est notre foi de croyant), nous ne
sommes pas des dieux immortels. Nous sommes des êtres finis, mortels,
"misérables" du fait de notre péché qui ne cesse de nous précipiter
dans nos enfers(mements).
L'existence de l'homme se situe précisément dans
cette tension entre finitude et ouverture à un Mystère qui le dépasse... Il est
cet "Être Là" (Dasein)...
Alors
devons-nous reconstruire Notre Dame ?... ou plutôt COMMENT doit-elle être
reconstruite ? La voie à suivre est surement celle du chemin pascal parcouru
par Jésus lui-même.
Jésus a laissé
détruire le Temple qu'il était (son
corps cloué sur une croix), comme Dieu avait laissé le temple de Jérusalem être
détruit à plusieurs reprises au temps de Babylone et 500 ans plus tard par les
Romains. Après la mort de Jésus sur la Croix, ce que RECONSTRUIT le Seigneur,
c'est le Corps Mystique. Loin d'être "vaporeux", ce Corps est
ce qui résiste le mieux à l'usure du temps, aux mites, aux incendies, aux
déluges et aux tsunami... Un Corps
Glorieux pour qui les murs deviennent sans consistance puisque même avec
les portes fermées le Christ Ressuscité est Là au milieu de nous (Jn 20, 19).
C’est un CORPS qui se laisse toucher dans ses plaies, signes du supplice de la
Passion et signes d'une Paix qui cicatrise. Le Corps du Ressuscité est bien
plus tangible que la matérialité de ce monde. Ce Corps est, en image, la
destinée du Corps Mystique qu'est l'Église. Ce Corps qui se laisse avant tout
reconnaitre en ce monde dans la figure du pauvre, de l'immigré, du prisonnier...
(Mt 25).
Finalement
vouloir reconstruire à l'identique cette cathédrale ce ne serait pas fidèle à
l'Évangile. Notre Dame n'est pas tant
immortelle qu'éternelle et mystique. Marie aussi, la Pieta, au pied de la Croix gardera toute
sa vie "éternelle" la blessure dans son coeur, de ce glaive qui l'a
transpercé le jour de la Passion. Cette blessure éternelle est comme une béance
ouverte qui laisse passer la lumière de la Miséricorde divine. Marie Notre Dame est Mère de Miséricorde (Mater Misericordiae).
Et puis
n'oublions pas "Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs
travaillent un vain" (Ps 126) Alors oui, comme le dit le philosophe Emmanuel
Tourpe : "le siècle des
rebâtisseurs commence. Toutes les briques sont en nous". Comme
chrétiens, nous sommes responsables de cette Reconstruction puisque la Création
a été confiée aux hommes (Gn 1-2) mais surtout, veillons à laisser une place à
Dieu, qui n'est pas tant le "grand architecte" des déistes, mais le
Dieu Créateur qui a un projet bienveillant pour nous (pro nobis) et pour l'Univers (Eph 1, 9).
Jean-Emmanuel Garreau, le vendredi
19 avril 2019, suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris le lundi Saint 2019
Pour aller plus loin :
"Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d'argent, et que l'on aurait données à des pauvres" (Jn 12, 1-11). C'est la réflexion de Juda devant ce qu'il considère le "gâchis" de Marie, la soeur de Marthe et Lazare, lorsqu'elle a pris "une livre d'un parfum très pur et de très grande valeur et qu'elle l'a répandu sur les pieds de Jésus, qu'elle essuya avec ses cheveux"... Cet article en espagnol donne à penser à propos de la "reconstruction de Notre Dame"
La question de reconstruire des toits pour ceux qui n'en ont pas : article La Croix
Une autre destruction plus grave encore : celle de la maison commune, la Terre qui brûle.
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