Le Mystère d’une Église de pécheurs pardonnés
En redescendant de la montagne la
semaine passée, quel n’a pas été mon étonnement en découvrant l’accumulation
de scandales touchant l’Église catholique ce dernier mois. J’ai été personnellement
très blessé et meurtri. Humainement parlant, je ne sais pas comment on peut
pardonner de tels actes d’abus sexuels, encore plus quand cela est commis par
des hommes consacrés et des pasteurs. Mes pensées se tournent vers toutes les victimes de ces maux. Outre ces abus, j’ai lu aussi la recension
du livre Sodoma, qui parle de réseaux homosexuels au sein de
la curie romaine. Tout en étant prudent sur la véracité des hypothèses avancées par Frédéric Martel, on
comprend mieux les réactions de Benoît XVI et de François parlant de maladie
spirituelle touchant la Curie.
Ce qui m’a un peu rassuré en écoutant
Saint Paul (2ème lecture), c’est
de se rendre compte qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et dans l’Église.
Dès le départ, des membres de l’Église ont succombé à la tentation du
pouvoir, de la convoitise et de l’avarice. Saint Paul en pleure de
dégoût :
Maintenant
je le redis en pleurant :
beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ.
Ils vont à leur perte.
Leur dieu, c’est leur ventre,
et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ;
ils ne pensent qu’aux choses de la terre. (Phi 3, 17)
beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ.
Ils vont à leur perte.
Leur dieu, c’est leur ventre,
et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ;
ils ne pensent qu’aux choses de la terre. (Phi 3, 17)
Malgré tous ces scandales, comme membre du clergé, je reste
fidèle à l’Église catholique. Si j’appartenais à une entreprise ou une
association quelconque, probablement que je l’aurais quitté.
Alors pourquoi je reste fidèle et solidaire de notre Église ?
Parce que l’Église à laquelle
nous appartenons est une Église de pêcheurs pardonnés. Le cardinal Kasper, dans
son livre l’Église catholique (2012) parle
de l’Église, « noire, mais
belle ». Elle est belle parce qu’elle a la capacité de sans cesse se
réformer et se renouveler. Pourquoi ? Parce qu’elle est fondée sur le mystère de la miséricorde.
Je suis moi-même pêcheur. Qui
serais-je pour lancer la première pierre ? (Jn 8) ma vocation je la dois à
cette grâce de miséricorde infinie et inconditionnelle du Seigneur à mon égard.
J’ai vécu bien des épreuves dans ma vie et comme Pierre je peux dire aussi
« éloigne toi de moi Seigneur car je suis un homme pécheur » (Jn 5).
Mais j’ai entendu aussi la parole du Christ qui me disait « Sois sans crainte tu seras pêcheur d’hommes
désormais » et j’ai entendu la voix du Ressuscité me redonner sa confiance en me posant la question : « m’aimes tu ? » /
« Seigneur tu sais tout, tu sais bien que
je t’aime ». Il me
répond : « Pais mes
brebis ». (Jn 21)
Je me suis souvent posé la question,
comme Pierre (Jn 21, 20) mais « pourquoi Jésus n’as-tu pas choisi comme chef de l'Église, Jean, ton disciple
bien-aimé, celui qui a été fidèle jusqu’au bout à la Croix, celui qui a tout de suite compris que tu
étais ressuscité en entrant dans le tombeau vide ? »
Mais non, Jésus a choisi Pierre
et « sur cette pierre je bâtirai mon
Église » précisément parce que Pierre est un « pêcheur
pardonné ». Le mystère de l’Église est fondé sur ce mystère de la divine
miséricorde. L’Église n’est pas une Église de purs mais une Église d’hommes et
de femmes qui se reconnaissent pêcheurs pardonnés. Elle est un peuple de Sauvés
par sa seule grâce. Jésus, en son temps, avait déjà dénoncé le pharisianisme. Et
chaque fois que l’Église a eu la tentation d’être une Église de purs, elle a
sombré dans l’hérésie (comme l’hérésie cathare au Moyen Âge). Au contraire,
chaque fois qu’elle a été une Église de
la miséricorde annonçant et vivant le pardon, elle est l’Église du Christ
(cf. histoire de Desmond Tutu dans Forgiven).
Au cœur de nos épreuves il ne
faut nous rappeler les paroles de Saint Paul : « il ne faut passer
par bien des épreuves avant d’entrer dans le royaume de Dieu » (Ac 14, 22). Le
disciple n’est pas au-dessus de son maître ; lui aussi doit traverser
l’épreuve de la Croix. Dans l’Évangile de la transfiguration, Jésus parle avec
Moïse et Élie de son départ vers Jérusalem c’est-à-dire sa montée au calvaire
et sa mort sur la croix. Ces disciples vivront de plein fouet cette descente
aux abîmes de leur ami Jésus, impuissants. Pour affronter cela Jésus donne un
signe éclatant : il est transfiguré devant eux. C’est le signe annonciateur de
sa Résurrection. Il n’y a pas de carême sans Pâques.
Dans la vie nous pouvons
affronter les obscurités, les croix et le mal seulement si nous avons déjà
goûté les joies du ciel, seulement si
nous savons que nous sommes « citoyens des Cieux » (Phi 3), seulement si nous sommes saisis par la
miséricorde divine.
Pour cela il nous faut monter sur
la montagne chaque dimanche, rejoindre le Seigneur sur la petite hauteur qu'est l’autel. C’est là que le Seigneur se donne à voir dans l’Eucharistie. Là, nous
sommes témoins du sacrifice de sa vie pour nous, là où nous assistons à sa
transfiguration/résurrection, si nous savons le reconnaître dans la fraction du
pain et alors que nos cœurs sont tout brulant lorsqu’il nous parlait en chemin
(Lc 24).
A partir de l’homélie prononcée par P. Jean-Emmanuel à l’église Saint Paul
du Sanitas (Tours) le 17 mars 2019
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