En cette fin
d’année liturgique, vous avez peut-être remarqué que les textes bibliques nous
parlent de la FIN, pas tant en terme de « fin du monde » qu’en terme
des « temps de la fin ». Le livre de Daniel (1ère lecture)
et le livre de l’Apocalypse de St Jean (2ème lecture) utilisent le
genre littéraire « apocalyptique » qui évoque des
« visions » pour nous parler d’un au-delà
de l’histoire, déterminé par la venue décisive du Seigneur Dieu « Celui
qui est qui était et qui vient », « Alpha et l’Oméga ».
Des « temps de la fin » ou
plutôt de la « fin des temps », il en est question, plus que jamais, dans
l’actualité. Je retiens deux événements :
- les attentats perpétrés par des « extrémistes » dont le seul programme semble être de conduire notre monde à sa FIN, à son extrémité jusqu’à le faire basculer dans l’abîme du chaos et du néant.
- L’ouverture prochaine de la COP 21, sur fond de crise écologique, où doit se négocier l’avenir de notre monde dont le scénario d’une extinction de l’espèce humaine à court terme semble de plus en plus envisageable si nous ne changeons pas nos modes de vie et de consommation.
Il est donc
indéniable que nous vivons les temps de
la fin. La question est :
« comment voulons VIVRE ces temps de la
fin ? »
Deux attitudes sont possibles :
- le pessimisme, l’ « aquoibonisme » / la peur ou la fatalité
- l’optimisme de l’hédoniste « tout ne va pas si mal, profitons du temps présent… » ou l’optimisme prométhéen : faisons confiance en l’homme et dans le progrès pour trouver des solutions…
Dans un livre
intitulé « Vivre ensemble la fin du
monde », un philosophe chrétien, Martin Steffens, propose une
troisième voie : celle du CHANT ! « chanter ENSEMBLE »
Il évoque l’histoire racontée, dans
un roman de Jack London ; l’histoire de chercheurs d’or en Alaska qui se
trouvent pris au piège par l’arrivée brutale du printemps qui fait fondre la
glace avec pour conséquence l’anéantissement non seulement des fruits de leur
travail mais aussi de leur vie. Face à l’inéluctable déluge ; deux
attitudes se font jour :
- celle de Donald qui veut sauver ses biens et sa peau et qui grimpe « seul » au haut plus grand arbre.
- Celles des autres hommes qui voyant arriver leur fin – c’est-à-dire la mort - se prennent la main et chantent ensemble un chant patriotique « the battle hymn of the Republic » :
« Mes yeux
ont vu la gloire du Seigneur.
Il vient Lui qui foule aux pieds les raisins de
la colère…
la Vérité est en marche…
Dans la beauté des lys, par-delà l’Océan,
le Christ est né.
Sa Gloire, à toi et moi offerte nous transfigure.
Il est mort
pour rendre les hommes saints : mourons pour les rendre libres ;
puisque Dieu est en marche… »
D’un certain
côté, le chant de la Marseillaise repris un peu partout cette semaine en France
et même dans le stade de Wembley ! dit quelque chose de cette troisième
voie.
Si je vous parle de cette voie du
chant repris « ensemble » ; voie qui nous sort de la partialité
soit du pessimisme, soit de l’optimisme, c’est parce qu’elle trouve un écho en ce
jour où nous fêtons la « Sainte Cécile » qui est précisément la
sainte patronne du chant et de la musique. On raconte que lorsqu’on conduisit
Sainte Cécile à son martyre elle a entendu une musique céleste.
Il
ne faut pas s’étonner que dans le livre de l’Apocalypse, il y ait une si grande
place pour les hymnes et les chants de louange à notre Dieu « Celui qui
est qui était et qui vient ». Ce chant est repris à la fois par les anges
et par les saints.
Chanter
ensemble est la juste attitude pour vivre les temps de la fin. Mais pour nous
chrétiens cela va plus loin. Ce chant est avant tout un chant d’espérance car
nous croyons en Celui qui est « le Témoin fidèle, le premier-né des morts,
le prince des rois de la terre » (Ap 1).
Nous, chrétiens, nous entrevoyons au delà de la
fin, un nouveau commencement, « un ciel nouveau et une terre
nouvelle » (Ap 21,1). Et ce nouveau monde a déjà commencé. Il se manifeste
aujourd’hui encore à travers de multiples initiatives alternatives vécues dans
le monde. Et je vous invite à aller voir le film « Demain » qui sort
en salle le 2 décembre qui racontent l’histoire d’hommes et de femmes qui
imaginent aujourd’hui de nouvelles manières de se nourrir, de vivre, de
travailler, d’éduquer…
Voici
donc le véritable REGNE de DIEU auquel fait allusion Jésus dans
l’Evangile ; « Que ton Règne Vienne » chantons-nous ensemble
dans la prière du Notre Père. Ce règne c’est celui dont Jésus nous dit qu’il
est comparable à une toute petite graine de moutarde et qui devient un arbre si
grand qu’il peut accueillir les nids des oiseaux du ciel. C’est ce Royaume de
Dieu qui se manifeste dans la naissance d’un tout petit enfant, celui de la
crèche… promesse un monde nouveau…
Car
oui cette fête du Christ-Roi de l’Univers pointe vers le Mystère de Noël que nous
célèbrerons bientôt … A Noël, à nouveau les chants des anges et des humbles
bergers se mêleront et s’élèveront : « Gloire à Dieu au plus au des
Cieux et PAIX aux hommes de bonne volonté ».
Amen
Homélie prononcée par le P. Jean-Emmanuel en la fête du Christ Roi – Sainte Cécile, le 22 novembre 2015, église Saint Martin de Ligueil