« La
charte du Royaume » : voilà comment nous pourrions qualifier le
premier enseignement de Jésus sur la Montagne dans l’Evangile selon Saint
Mathieu. Donner à goûter et à vivre le Royaume des cieux, voilà la mission de
Jésus. Le cœur de son message. Et entrer dans le Royaume des cieux, n’est rien
d’autre qu’ouvrir la porte du cœur de Dieu son Père. « Le cœur du Père, Là est le jardin d’Eden et le buisson ardent.
Là est la Terre promise avec toutes ses sources de vie. Là est le secret de
l’Alliance et de toute réconciliation. Là est le Royaume dans tout son
éclat » (Eloi Leclerc).
La prédication du Royaume par
Jésus est une invitation à nouer des relations nouvelles avec ceux que nous côtoyons et avec le Seigneur. Par le passé, Dieu avait offert aux hommes le don
de la Loi. Cette Loi reçu par Moïse traçait un chemin vers la VIE en alliance
avec le Seigneur. Mais les prophètes annonçaient déjà une autre Loi qui ne
s’inscrirait plus cette fois sur la pierre mais dans le cœur.
Dans le sermon sur la montagne,
les prescriptions de la Loi de Moïse sont portées à un nouveau degré d’exigence
qui tend à rapprocher l’attitude du cœur et le comportement du corps,
c’est-à-dire à rendre à l’homme son unité.
Jésus ne cherche pas à abolir la Loi reçue par Moïse sur la montagne du Sinaï,
mais il vient ACCOMPLIR cette Loi en inscrivant l’Alliance dans le COEUR de
l’homme. Cet accomplissement passe par un DEPASSEMENT de la Loi dans le sens
d’une TRANSFORMATION RADICALE de la condition humaine. Il s’agit en effet pour
Jésus d’aller jusqu’à la RACINE profonde de l’homme. Là même où le Mauvais/
l’Ennemi vient semer aussi sa mauvaise semence (Mt 13, 24-30). La Loi du Christ est un appel à
la purification du cœur, c’est-à-dire de nos intentions et de nos désirs.
Il vient donc interroger ce qui
meut l’homme dans ce lieu, le CŒUR, où il pressent qu’il s’y joue la vérité de
l’homme et son bonheur. Si la Loi de l’Ancien Testament commande de ne pas tuer, Jésus va plus profond en évoquant les pulsions de cette
violence tapie en nous comme une bête sauvage qu’il nous faut
« apprivoiser » et « humaniser» (cf. Caïn dans Gn 4,7). Car si ces pulsions de
violence peuvent conduire l’homme jusqu’au meurtre, elles sont aussi à
l’origine de ces paroles prononcées sous le coup de la colère qui atteignent et
éteignent l’amour et la vie dans nos relations avec les autres. Combien de
blessures, d’amertumes, de haines et de divisions entre les hommes viennent de
ces pulsions de violence qui peuvent être destructrices.
« Tu ne commettras pas
d’adultère », en citant cet autre commandement, Jésus réinterroge le lien
amoureux entre l’homme et la femme. « Celui
qui regarde une femme pour satisfaire son désir a déjà commis l’adultère dans
son cœur ». Il ne s’agit pas pour Jésus de condamner les désirs
profonds liés à la sensualité et à notre sexualité, mais d’être vigilant à ne
pas laisser n’importe quel désir ou passion nous détourner du Bien et nous désunir.
« Ne nous laisse pas entrer
en tentation » : La nouvelle traduction du « Notre Père »
peut nous aider à nous situer devant Dieu aujourd’hui. Oui, la tentation
existe, elle fait partie de nos vies. Elle prend de multiples aspects et
atteint toutes nos relations : mentir pour s’en sortir, ne pas être fidèle,
convoiter ce qui n’est pas pour nous… mais le Seigneur peut être avec nous dans
ces moments pour tenir notre oui, un oui qui entraîne d’autres oui et pour
tenir un « non », expression de notre décision à renoncer à ce qui
nous entraîne vers le Mauvais.
L’entrée dans le cœur du Père ne
se fait pas sans renoncement à un désir sans limite. Le don du Royaume ne
s’accueille pas sans combattre nos désirs de richesses, de vaine Gloire et
d’orgueil. La porte d’entrée de ce Royaume est bien les paroles des Béatitudes, placées es justement au début
du Sermon sur la Montagne. Les attitudes d’humilité, de
douceur, de paix et de miséricorde ouvrent le cœur du Père.
La prière du MEJ (Mouvement eucharistique des Jeunes) exprime ce que nous avons à décider chaque jour pour vivre le Royaume inaugurer par Jésus :
Apprends-nous Seigneur à te choisir tous les jours
A redire ton OUI en chacun de nos actes
Donne-nous de te suivre sans peur
Et de t’aimer plus que tout.
Rends-nous frères, toi qui nous as rassemblés
Fais de nous les témoins devant tous
De ce que nous avons vu et entendu
De ce que nous
croyons et vivons
Pour que tout homme avec nous
Reconnaisse en toi l’unique Seigneur. Amen
Jean-Emmanuel, homélie prononcée le dimanche 16 février 2014, cathédrale de Tours