« La fin du monde », voilà une question qui ne cesse de nourrir
nos imaginaires et pour preuve, il n’est pas une année sans que sortent au
cinéma plusieurs blockbusters américains sur le sujet ! Vous avez le choix
de la menace qui anéantira l’humanité : une météorite (Armaguedon), un
changement climatique (Le jour d’Après, 2012), une épidémie qui vous transforme
en mort-vivants (Word War Z…) etc.
Mais le problème c’est que ces films qui
mettent en scène la fin du monde nous cachent paradoxalement la vraie question
que chacun doit se poser : « comment vivre la fin du
monde ? »
Etant donné que nous vivons dans un monde fini, nous ne pouvons nier le
fait que la fin du monde est une certitude… comme notre propre mort d’ailleurs.
Face à « cette fin », notre curiosité – qui est la même que les
disciples de l’Evangile – pose davantage la question du
« QUAND ? » alors que la vraie question EXISTENTIELLE que nous
devons nous poser, à la suite de Jésus, c’est « COMMENT ? »
- La première manière c’est de la vivre de manière pessimiste, fataliste… Allumez la TV, vous y voyez : haines, émeutes, médiocrités, mensonges qui, par leur travail quotidien, semblent rogner l’assise du monde… C’est alors que nous sommes touchés par cette maladie de l’ « Aquoibonite »… notre joie se rétracte comme l’huitre au contact du citron. Nous voici pris au piège ; le piège de se croire des dieux ; en effet parce qu’il voit la détresse du monde dans d’insensés détails, le téléspectateur a la sensation d’être omniscient. Mais puisqu’il se trouve à mille lieues du drame, dans son canapé de salon, cette omniscience est privée de son autre corrélat divin : la toute-puissance. Du coup, ce sentiment d’omniscience renforce un sentiment de toute-impuissance. La culpabilité s’en mêle et le moelleux des coussins devient un banc d’accusés dévoilant notre mollesse et notre médiocrité… d’où le fatalisme et le pessimisme ambiant qui nous conduit à déprimer des malheurs du monde et à sacrifier notre joie de VIVRE !
- La deuxième attitude - mais qui est intimement liée à la première – est celle de la jouissance de l’instant présent. Dans ce cas, on cherche à oublier cette « fin » inquiétante en se divertissant (cf. Blaise Pascal). C’est un peu comme en 1940 à Lisbonne. Saint Exupéry dans « Lettre à un otage » dépeint cette atmosphère. En pleine 2nde guerre M., de riches européens ont émigrés dans la ville portuaire fuyant le théâtre des opérations militaires… en décembre 1940, on y « jouait au bonheur », en faisant la fête, en se divertissant…, mais cette fête avait un goût pathétique. St Exupéry écrit « ces émigrants ce n’est point d’argent qu’ils manquaient, mais de densité ». Avouez que beaucoup des fêtes bien alcoolisées (pour ne pas dire plus) de notre société aujourd’hui peuvent être bien triste et pathétique…
Voici donc 2 attitudes : le pessimisme et la jouissance
immédiate ; 2 attitudes qui vivent la fin du monde en FUYANT toute
responsabilité, en refusant de VIVRE ce qu’il y a à vivre : la fin du
monde.
Dans l’Evangile
d’aujourd’hui, Jésus vient nous interpeller sur notre manière de vivre la fin
du monde. Nous sommes au chapitre 21 de Luc, c’est-à-dire juste avant que Jésus
entre dans sa Passion qui le conduira à sa propre fin. Face à l’éminence de sa
propre mort, il veut préparer ses disciples à vivre la « fin du
monde » que va inaugurer sa mort et sa résurrection.
Nulle trace dans les derniers propos de Jésus de ces deux attitudes que
sont la résignation pessimiste ou le faux optimisme de la jouissance. Au
contraire pour « vivre la fin du monde », Jésus invite à :
-
Prendre conscience et prendre acte que cette FIN du
monde est arrivée et est déjà là c'est-à-dire ne pas la FUIR. … consentir à
PERDRE jusqu’à sa propre vie A cause de Jésus)
-
S’engager ENSEMBLE dans le combat de la vie et de la
foi sans PEUR. Car Il y a nécessairement un combat : résister, persévérer,
c’est cela VIVRE ! la vraie vie avec toute sa densité ! Je suis sûr que le Père George Vandenbeusch qui
vient d’être enlevé ne dit pas autre chose malgré l’épreuve qu’il vit avec ses
amis, son diocèse…
Pourquoi ne pas
s’effrayer et avoir peur ? parce que, dans la FIN, se cache aussi un
nouveau commencement ! Jésus n’est pas un partisan de
« l’extrémisme » - au sens où la fin du monde serait considérée
comme une « extrémité », un
point final de l’histoire. Les derniers mots de Jésus sont « c’est par
votre persévérance que vous obtiendrez la vie ». Cette vie promise c’est
celle qui jaillit du tombeau vide. La promesse anticipée par la Résurrection de
Jésus.
Pour vivre cette fin du monde…
vivons la ensemble sans peur ;
"Redressez-vous, levez la tête car votre rédemption approche".
P. Jean-Emmanuel Garreau, d'après l'homélie prononcée à la cathédrale de Tours, le dimanche 17 novembre 2013
pour aller plus loin : Martin Steffens, vivre ensemble la fin du monde, Salvator, 2012