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dimanche 28 avril 2013

La promesse d'un monde nouveau

     Qui ne connait pas le tube des années 80’ du groupe Téléphone : « je rêvais d’un autre monde… » Cette aspiration à « un autre monde » est bien dans l’air du temps, surtout en ces temps de crise… Cette aspiration d’un monde AUTRE est portée par des groupes aussi divers que les « Indignés », les « Altermondialistes », les « promoteurs de l’idéologie du progrès », et maintenant les « veilleurs »… les motivations sont différentes mais c’est la même prise de conscience que ce monde ne nous satisfait pas. Il y a en chacun de nous l’aspiration d’un monde meilleur, un monde plus juste. Ce n’est donc pas étonnant de retrouver cette aspiration profonde dans la Bible, dans cette histoire de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Nous la retrouvons comme un fil rouge qui traverse cette histoire sous la forme d’une PROMESSE ! Promesse qui au fil des pages s’affine pour dévoiler le visage de l’Homme-Dieu dont la Vérité s’expose dans le Crucifié et explose dans la Résurrection de Jésus. C’est ce qui est exprimé dans le dernier livre de la Bible – l’Apocalypse de Saint Jean – à travers cette vision qui nous est rapportée aujourd’hui : « Moi, Jean, j'ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle … la Jérusalem nouvelle». Saint Jean atteste que la mort et la Résurrection de Jésus vient combler l’espérance des hommes, espérance d’un monde nouveau où la mort et l’injustice n’auront plus place ! 
Photo : Bolivia

     Mais ne nous y trompons pas ! Ce monde Nouveau qu’ouvre Jésus par sa Résurrection renvoie dos à dos aussi bien ceux qui croient que l’histoire est une marche en avant uniforme vers le progrès, que ceux qui se réfugie dans le passé considérant l’histoire comme une lente et progressive descente aux enfers. L’émergence de ce monde nouveau inauguré dans l’événement de la Résurrection de Jésus n’est pas non plus sans faire trembler les puissants de ce monde. Car elle remet en question toute société fondée sur la puissance de forts et l’efficacité. Pourquoi ? parce que Dieu le Père, en ressuscitant son fils crucifié, nous redit avec force que le CHOIX de DIEU se porte sur les petits et les fragiles de ce monde. La Vierge Marie elle-même porte cette espérance « révolutionnaire » : « le Seigneur abaisse les puissants, il élève les humbles ».

    Je le redis une fois encore : un monde AUTRE, un monde NOUVEAU advient, en ce temps où nous sommes, comme le germe d’une révolution profonde. Comme le dit la bénédiction finale du jour du Pâques nous sommes invités à « suivre les pas du Ressuscité » pour faire advenir ce monde NOUVEAU. Mais ne nous trompons pas de combat. Ne nous trompons pas de « Révolution ». Jean-Paul II disait l’ « Amour est la seule révolution qui ne trahisse pas l’homme ». J’en viens donc à ce dernier point. 

      Pour suivre les pas du Ressuscité, Jésus dans l’Evangile nous donne un « commandement NOUVEAU » : «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Le passage de l’Evangile de ce jour se situe juste après le geste du lavement des pieds. Un geste qui exprime l’EXTREME Amour que le Seigneur porte pour chaque homme. « Jésus ayant aimé les siens qui était dans le monde les aima jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême… » (Jn 13,1). 

       La promesse de cette civilisation de l’Amour qu’ouvre la Résurrection de Jésus s’enracine dans le « comme » - « comme je vous ai aimé » -, c’est-à-dire dans une expérience concrète, celle de l’amour que Jésus a déjà manifesté à notre égard. Aimer comme Jésus, c'est se mettre aux pieds de ses frères pour leur laver les pieds, c'est se faire leur serviteur. C’est tout l’enjeu de la démarche DIACONIA 2013

Suivre les pas du Ressuscité, jusqu’où cela nous mènera-t-il ? 

                                        jusqu’à aimer comme il nous aime… 

« En toute chose aimer et servir » 
C’est ainsi que nous serons ces témoins : « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres ». Amen

P. Jean-Emmanuel, homélie du 5ème dimanche de Pâques, Tours

jeudi 25 avril 2013

Le catholicisme intransigeant, une tentation permanente, par Mgr Dagens

     Un certain nombre de catholiques français, qu’il ne faut pas confondre avec l’Église catholique qui est en France, sont, sans le savoir, fidèles à une tradition qui vient de très loin, bien avant la Révolution française. Ils se laissent déterminer de l’extérieur, par ce que le général de Gaulle appelait les « circonstances » de la vie politique. Ils sont pris dans des rapports de force qui leur échappent, mais en fonction desquels ils rêvent d’affirmer leur identité, de façon militante, soit en se défendant contre ceux qui les contestent, soit en participant à des manœuvres offensives, espérant retrouver ainsi des positions dominantes dans notre société. 

Cette posture militante, cette culture de combat n’est pas nouvelle. Elle correspond à cette longue tradition qu’Émile Poulat, René Rémond et bien d’autres historiens ont désignée comme celle du catholicisme intransigeant qui s’est développée tout au long du XIXe siècle, pour résister à tous ceux qui semblaient hostiles à l’autorité de l’Église. Cette interminable guerre des deux France s’appuyait sur des idéologies consistantes, d’un côté celle qui inspirait le parti clérical, et de l’autre celle qui accompagnait la naissance et l’affirmation du projet laïque. 

On peut toujours rêver de réveiller ces vieilles querelles, en invoquant d’un côté le programme de l’Action française de Charles Maurras et de l’autre les réalisations de Jules Ferry ou les idées de Ferdinand Buisson, sans parler de la rivalité entre les curés et les instituteurs. Mais c’est peine perdue. Parce que les idéologies qui soutenaient ces projets politiques sont mortes et que personne ne peut les ressusciter, à moins de faire le choix, du côté catholique, d’un enfermement dans des réseaux serrés qui se réclameraient d’une foi pure et dure et, du côté laïque, de la remise en valeur d’une morale fondée sur des valeurs abstraites. 

Mais il faut être réaliste : certains, qui se méfient des religions, doivent se réjouir en sourdine de voir que la figure du catholicisme semble aujourd’hui se confondre avec ce courant offensif. Quelle aubaine pour eux de dénoncer ces durcissements qui se produisent sur la place publique ! Comme il serait facile d’assimiler l’Église tout entière à ces expressions musclées de la foi ! Quel triomphe si l’on parvenait à montrer que les croyants sont tous des violents et des obscurantistes ! Si les ultras devaient l’emporter chez les catholiques, alors la voie serait libre pour les ultras anticatholiques, trop heureux de relever alors le défi qui leur serait lancé ! 

Il est donc urgent de raison garder et de remettre les réalités dans une perspective historique. Les affrontements qui accompagnent le projet de loi destiné à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ne sont qu’un épisode révélateur de la crise du mariage et de l’effacement des valeurs communes qui fondaient notre société. Mais faut-il se résigner à ces explosions d’individualisme militant qui valent aussi pour des jeunes catholiques ? L’urgence est plutôt de lutter contre tout ce qui déshumanise notre société, contre tout ce qui envenime les pauvretés muettes, contre tous ces processus qui réduisent les personnes à des objets manipulables selon les exigences exclusives de la rentabilité financière ou technique, en tous domaines. 

Quant aux responsables de l’Église catholique en France, dont je suis solidaire, ils seraient mal inspirés s’ils cherchaient à prendre en marche le train des poussées politiques, en essayant de faire plaisir aux ultras et aux autres. Si cet opportunisme l’emportait, il faudrait en payer le prix dans quelques années. Je suis préoccupé, parce que j’ai parfois l’impression que la joie provoquée par l’élection du pape François est estompée par les crispations actuelles et que la référence à la simplicité et à la force de l’Évangile s’atténue ! Que diable, si l’on peut dire, allons-nous renoncer à nous déterminer de l’intérieur de notre foi catholique et de l’espérance que nous mettons dans la miséricorde du Christ ? Ce n’est pas de calculs politiques que nous avons besoin, c’est du courage d’être nous-mêmes, des disciples et des témoins de Celui qui est venu pour « chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10) et aussi pour « réunir les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52).

Mgr Claude DAGENS, évêque d’Angoulême, de l’Académie française